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10 octobre 2010

una rosa y un... clavel

le romancier Bernard Clavel est mort le 5 octobre à Grenoble à l'âge de 87 ans.

prix Goncourt en 1968 pour “Les Fruits de l'hiver”, cet humble artisan et magnifique conteur savait donner à lire des récits simples et forts. 

 

voilà un article paru en décembre 2003, écrit par Gilles Heuré, à l'occasion de la parution de ses oeuvres complètes chez Omnibus :


Des paysages enneigés, des brindilles qui accrochent la lumière, des eaux dormantes comme une invitation à l'engloutissement, des arbres dont les branches tutoient les pastels du ciel : dans les œuvres du Clavel photographe ou aquarelliste il y a tout le Clavel écrivain. C'est que les joies et les peines des hommes tiennent souvent à peu de chose et sommeillent dans les décors qui en sont le théâtre : une ferme isolée, un talweg embrumé dont la silhouette change avec le jour, ou les rives d'un fleuve qui voit défiler les siècles. Clavel n'est pas un écrivain de salon. On peut le vérifier en lisant les deux premiers tomes de ses œuvres complètes, qui viennent de paraître chez Omnibus. C'est un homme de la terre, un forban des bois qui, vu ses quarante déménagements en France, en Suisse, au Canada ou en Irlande, semble avoir avalé un atlas. Quand il vous accueille chez lui, dans cette maison qui ressemble à une datcha de roman russe perdue dans le Jura, il vous tend la main et vous présente ses arbres. Il est vrai qu'il fut bûcheron. Que ne fut-il pas d'ailleurs, lui dont la biographie est comparable à celle des premiers auteurs de la Série Noire ?

Aujourd'hui octogénaire, il fut, à 14 ans, apprenti pâtissier à Dole, pénible expérience dont il tirera La Maison des autres« Mon patron était un vrai salaud, et pendant deux ans ce fut un enfer. C'était un avorton que j'aurais pu coucher d'une gifle, mais à cette époque le patron c'était le patron et on la fermait. » Il rêve alors d'un tour du monde, mais la guerre contrarie ses rêves de voyage. Il est successivement bûcheron, lutteur de foire avec le fameux Ted Robert, qui sera le personnage de L'Hercule sur la place, ouvrier agricole avec L'Espagnol puis résistant dans le maquis du Jura. Son autre rêve ? La peinture, grande pourvoyeuse d'artistes affamés. Il est donc encore gratte-papier à la Sécu, flirtant avec l'absentéisme, quand la lumière des bords du Rhône mérite d'être saisie sur la toile... Relieur, auteur de pièces radiophoniques, journaliste au Progrès de Lyon et à L'Humanité dimanche, il est enfin romancier grâce au succès de ses livres.

Aujourd'hui, Clavel, c'est presque cent romans dont certains très connus : Pirates du RhôneL'EspagnolMalataverneHarricana, les sagas de La Grande Patience, desColonnes du ciel. Et aussi des livres de jeunesse et des essais sur la peinture. A lire son texte sur Gauguin, par exemple, on comprend mieux son propre itinéraire : celui d'un homme prêt à tout pour vivre sa passion d'écrire, humble artisan obsédé par les immensités calmes et, pourquoi le taire, râleur impénitent et libertaire jamais défroqué. Les hommes dont il fut l'ami n'étaient pas exactement de paisibles pèlerins : Pierre Mac Orlan, Roland Dorgelès, Jean Guéhenno, Jean Reverzy, Marcel Aymé, l'anarchiste Louis Lecoin, sans oublier les sans-nom et les gens de peu qui ont croisé sa route.

Un romancier engagé, Clavel ? Il l'est à cause de ses personnages, qui encaissent les injustices et parfois s'échappent dans les lâchetés ou les noblesses de coeur. Des gens simples dont le destin dépend d'une moisson, d'une vipère ou d'un cas de conscience. Ce conteur magnifique est bien un écrivain « prolétarien », selon le mot de Michel Ragon, avec la fierté que cela suppose. Les millions de lecteurs qui ont lu ses livres ne s'y sont pas trompés : cet homme est « en prise directe avec le mot humain », comme disait Pierre Mac Orlan. Il ne triche pas. Pas plus dans les amitiés qu'il scelle que dans les bras d'honneur qu'il décerne encore avec une joie tonnante.

L'adolescent qui découvrit dans le grenier de ses parents les oeuvres de Hugo et de Dante sous forme de brochures non coupées, qui fut Prix Goncourt en 1968 et académicien Goncourt démissionnaire en 1977, reste un écrivain respectueux du geste et du silence. Ses histoires souvent violentes, ses phrases qui claquent, ses dialogues acérés, ses personnages qui basculent du fait divers au conte philosophique, crochètent sans peine le lecteur. A ceux qui psalmodient que seule la littérature étrangère est riche d'histoires de vie et de passions humaines, on ne saurait trop conseiller de lire Bernard Clavel, hercule au beau sourire et seigneur itinérant des fleuves romanesques.

Commentaires

Merci de nous faire découvrir cet article sur cet auteur disparu! Je note les titres...

Écrit par : Sabbio | 10 octobre 2010

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