Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18 avril 2009

un loup parmi nous

chatoyante et fragile, désopilante et meurtrie, voici Virginia Woolf dans le récit bouleversant donné par Viviane Forrester.

la présence de Virginia nous fait trembler d’émotion, souvent ployer de rire, parfois la détester. elle est avant tout différente de la légende tramée par son mari Leonard, qui se forgeait une carapace en projetant sur elle ses propres troubles.

dans la ronde brillante et mouvementée de ceux qui l’entourent au long de sa vie, chacun révèle des secrets, des masques jusqu’ici négligés. surtout, jaillit à vif, à nu, dans la plénitude ou dans les affres, une femme apte à étreindre le monde, dont elle guette le vrai langage et les silences. une femme qui eut à subir son propre génie, à s’efforcer de le faire accepter par les siens.

une femme qui aura pu dire : « Je sens dans mes doigts le poids de chaque mot », avant de répondre à « l’étreinte » promise par la mort en allant se noyer, les poches pleines de pierres, dans la rivière Ouse.

un suicide dont on découvrira certaines raisons passées inaperçues.

à chaque épreuve rencontrée, Virginia Woolf ressassait la même interrogation effarée, retranscrite dans ses romans Mrs Dallowayou Instants de vie : « Le monde a levé son fouet, où va-t-il descendre ? » 

avec ses assertions cinglantes, ses phrases sans verbes, directes et vindicatives, ses retours à la ligne définitifs et sans appel, Viviane Forrester séduit par son écriture en coup de fouet. aussi fugueuse que guerrière, sa biographie buissonnière de Virginia Woolf est un livre profond sur l'impossible vérité de l'être, thème woolfien par excellence : « Dans la plus minime des fractions de l'instant le plus ténu, que d'éléments indistincts, simultanés, confus, alors que le récit qu'ils composent, que l'on s'en fait, exige choix et déroulement. C'est cela même que Virginia Woolf interceptait tel quel, irrésolu, surgi, puisé dans le réel, et dont elle faisait entendre le son de cristal, mais issu d'un monde aux prises avec les cloisonnements fictifs qui masquent la réalité », écrit Viviane Forrester, qui sonde pourtant les tréfonds de son sujet avec une minutie aimante, pour en évacuer des poisons rarement analysés : l'interdiction de Leslie Woolf à sa femme d'engendrer des enfants, l'antisémitisme de Virginia Woolf (« facteur intime d'autodestruction »),secrètement honteuse d'avoir épousé un Juif, et l'ambiguïté d'une relation conjugale fondée sur l'étouffement et la propulsion hors de soi.

loin de Viviane Forrester la tentation de salir un auteur en déterrant ses démons. au contraire, son amour pour Virginia Woolf, sa soif de réhabiliter la femme complète qu'elle aspirait à être animent ce livre vivace, viscéralement engagé. car Viviane Forrester parle à la première personne, héritière altière d'une femme bafouée, dont elle guette les signes en retour, jusqu'à épouser ses points-virgules abyssaux : « Je n'ai pas de réponse, sinon que je veux tout entendre ; je veux qu'on me dise tout. L'oeuvre, la vie, les chemins et les corps sont à saisir ensemble, tous tendus vers la consolation. » 

consolatrice, oui, telle est la miraculeuse qualité de cette biographie.

Commentaires

J'en sais peu sur elle et tes lignes me donnent envie de lire ce livre...

Écrit par : Sabbio | 18 avril 2009

Les commentaires sont fermés.