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27 juin 2012

Marina

Je ne sais pas pourquoi je lui fais, ça, pourquoi quand je la vois je me sens en colère. en plus, avec le temps elle devient moche avec son visage boursouflé ses petits yeux qui se ferment. je la regarde marcher et elle me donne envie de la taper. avec son pied qui rentre au dedans et sa dégaine un peu lourdotte. je sais que c'est à cause de moi qu'elle devient mcohe à cause de ces coups que je lui donne mais ça m'agace plus encore.

et ce petit sourire doux qu'elle garde sur les lèvres, ça m'horripile. je voudrais la voir méchante, me voir à travers elle, voir qu'elle devient teigne et mauvaise. mais non, elle conserve son air angélique et j'ai la sensation qu'elle le fait exprès. je te lui foutrais une baffe moi...

l'autre jour quand elle m'a dit qu'à l'école la maîtresse l'avait félicitée pour sa poésie apprise et son attitude exemplaire en classe, j'ai eu envie de la secouer.

- t'es qu'une potiche ma fille, je lui disais en la traînant au sol alors qu'elle venait de tomber sous le choc de ma giffle. faut te bouger tu n'arriveras à rien dans la vie si tu fais toujours la potiche. elle pleurait en silence, toujours son petit sourire sur les lèvres.

quand je l'ai envoyée contre le mur, j'étais à bout de nerfs.

elle ne s'est pas relevée. alors je lui ai filé un coup de pied, en l'engueulant :

- allez, bouge ! bouge-toi ! relève-toi, tu m'agaces à être molle comme ça !

mais elle ne répondait pas.

je voyais sa main crispée avec son doigt tordu de la fois où je lui ai cassé en essayant de la faire crier parce que je la veux en colère ma fille, je veux qu'lle se révolte contre cette société pourrie, contre ces mecs qui sont tous que des menteurs. qui vous promettent mille merveilles et ne font que vous engrosser pour vous laisser creuver la dalle.

d'ailleurs pour l'habituer à creuver la dalle, je ne lui donne pas toujours à manger à ma fille. elle doit savoir ce que c'est que d'avoir faim. comme ça elle sera pas tributaire du boulot de son mec pour se nourrir..

n'empêche, cet autre jour, donc, Marina ne s'est pas relevée. 

quand j'ai compris qu'lle ne bougerait plus jamais, j'étais dégoûtée. ma fille c'est vraiment qu'une chique molle, y'a pas à dire.

c'est Eric qui l'a emportée. je ne sais même pas ce qu'il en a fait. mais ça me fait vide sans elle, finalement. je n'ai plus personne sur qui m'énerver.


(Eric Sabatier et Virginie Darras ont été condamnés à trente ans de réclusion pour les actes de torture et barbarie ayant entraîné la mort de leur fille Marina, âgée de 8 ans. Martyrisée pendant près de six ans, l'enfant est mort en août 2009 à l'âge de 8 ans dans le sous-sol d'un pavillon d'Écommoy (Sarthe) des suites d'une énième série de coups ; son corps avait été retrouvé un mois plus tard dans une malle remplie de béton. Une macabre découverte effectuée alors que les parents avaient d'abord tenté defaire croire à la disparition de leur fille sur le parking d'un McDonald's.)

Commentaires

Bonjour,

Enfin !
Parfaitement compris…se détester tellement au point de ne supporter son image dans son enfant.
Vous êtes la seule à toucher du doigt la vérité sur cette épouvantable affaire.
Je pense au Monologue de la’ Femme rompue’ de Beauvoir ( de mémoire ,il faut absolument que je le relise)
Votre inspiratrice ?
comment au procès n’y a t-on pas pensé ?
Cordialement.

Écrit par : annem | 29 juin 2012

il y a deux ans, lorsque l'affaire de la disparition sur le parking du fastfood avait été connue j'avais écrit un texte en me plaçant dans la peau de Marina.
je suis terriblement éprouvée par ce qu'a enduré cette enfant. je ne saurais dire pourquoi, à ce point.
un sage homme m'a dit que Marina avait réussi cela : sensibiliser toute l'opinion sur son cas et faire couler l'encre sur les maltraitances enfantines, en supportant durant 6 ans son calvaire et en mourant.
l'homme que j'aime disait que chaque mort pouvait être un cadeau si on savait la regarder, ici c'est indubitablement le cas.
je suis loin d'être la seule à avoir pensé cela.
je pense que nombre de psychologues et journalistes, et spécialistes, et... y ont pensé.
je crois que j'écrirai un jour sur ce genre de drame.
merci Annem, pour ce commentaire quoi qu'il en soit...

Écrit par : calouan | 29 juin 2012

Il évident que ce drame atroce nous secoue beaucoup ,d’autant plus que je suis proche géographiquement. Je suis aussi profession médicale et potentiellement acteur dans la détection de la maltraitance.
Mais c’est vous qui avez pris le risque d’écrire à la place de la mère, de donner une piste de réflexion ,sans doute est ce prématuré ?

et relisez le procès, personne n’a pu répondre au pourquoi , les psy remontent dans le passé ,,l’avocat pense à l’alcool .
et la marâtre n’a rien dit.
Le but est aussi de pouvoir comprendre pour prévenir et sauver des enfants ,c’est dans ce sens que je trouve votre billet intéressant.

Écrit par : annem | 29 juin 2012

la première piste que j'ai lu c'est "le père avoue qu'il ne prenait pas plaisir à faire souffrir sa fille". bon, donc, le problème vient ailleurs qu'une simple perversion physique où la souffrance de l'autre apaise et fait jubiler.
sur la mère, j'ai lu : nymphomane, trahie par les mensonges du père qui lui avait fait croire à une belle maison... Marina est leur 1er enfant à tous deux...
ensuite les mots se sont imposés.
sans réelle déduction. juste un ressenti intérieur sur cette mère maltraitante.
et à chaque fois ce frisson de penser qu'un être, un petit être, se réveillait chaque matin en appréhendant les souffrances qu'il allait endurées.
normal ça ???

Écrit par : calouan | 29 juin 2012

Texte abominable mais tu sais toucher, atteindre notre sensibilité. Et l’échange dans les commentaires est tres intéressant. Quelle histoire atroce ! Sa mort qui servirait pour les autres enfants ? Sans doute mais une certaine indifférence des services administratifs est tres difficile à faire evoluer !
Merci pour ce texte, Calou !

Écrit par : Laura Millaud | 30 juin 2012

Les commentaires sont fermés.