18 octobre 2013
e-Provence
elle marche pieds nus dans le thym, une douce odeur un peu âcre s'en dégage, l'odeur de son enfance, de ce temps où elle passait ses vacances chez ses grand-parents et courait après les lézards qui se faufilaient entre les pierres des restanques, elle regarde le soleil à travers la dentelle des feuilles d'oliviers, les fruits sont presque mûrs, petits ovoïdes verts qui s'accrochent fièrement aux branches basses, elle se dit qu'elle en a de la chance d'être là, avec ce soleil qui réchauffe son corps à cette période de l'année, qu'il fait si bon vivre là, elle se sent bien, un peu ivre, un peu grisée, mais juste bien, là, et nulle part ailleurs, là, juste bien.
l'homme s'approche d'elle, costume impeccable, chemise blanche que l'on croirait presque fluorescente tant le blanc est immaculé, un sourire Colgate aux lèvres. il s'approche d'elle, il avance tel un cowboy prêt à dégainer, sûr de lui, de sa réplique, de sa vie et de ce qu'il en a fait, on ne sent aucune remise en cause dans son chemin qu'il s'est tracé à coups de projets réussis.
il a un drôle de boîtier à la main, elle a la sensation qu'il va prendre sa commande, comme au fast food : et pour vous, ça sera quoi ? hamburger-frites-coca ? le menu classique...
et elle ne se trompe pas tant que ça, finalement, il appuie sur une touche, son sourire de grande surface bien polissé sur les lèvres, dents brillantes et blanches, à croire qu'il n'a jamais rien mangé de sa vie, celui-là, ou alors juste des gélules, comme ils le font tous pour garder cette ligne impeccable, il appuie sur une des touche du clavier miniature et le paysage disparait. elle n'a même pas le temps de respirer que le rideau se lève aussi vite que s'il avait le diable aux trousses, vuiiit, ça monte si vite si vite. et au même moment, le sol se dérobe sous ses pieds, ce n'est pas un tremblement de terre, non, ça ne ressemble pas à ça du tout mais sans qu'elle ait besoin de décoller ses pieds, l'herbe fraîche détale et les petits bosquets de thym frais aussi. il ne reste qu'un lino fade et froid, il ne reste que de vagues effluves de thym, les murs sont blancs, "encaladas", et l'homme au costume-chemise-dentifrice se tient devant elle, patient.
alors, vous voulez tester un autre paysage ?
non, ça va, elle en a assez vu comme ça. elle avait juste oublié que le bonheur ça n'existait plus pour de vrai, qu'on devait le commander et se le faire livrer en kit à installer chez soi.
21:01 Publié dans un peu de moi | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Horrible cette idée de bonheur en kit ! :)
Écrit par : Laura Millaud | 19 octobre 2013
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