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01 avril 2014

élections : vos résultats

comme Jean a eu son moment de gloire, je donne la première place à Calou-an14, qui a eu l'heur de nous projeter vers un demain un brin inquiétant.

Mai 2064. Un dimanche. Bientôt cent ans au compteur, mes dernières élections. Retour à Rennes ma ville natale, dernier bastion de la résistance en apparence. Depuis 20 ans la France a noirci son histoire, le Front National rebaptisé la Force Nationale dans les années 40 a conquis le pouvoir, aidé en cela par un abstentionnisme record. Hier un Contrôleur des Voix Electorales m'a rendu visite pour m'expliquer le nouveau procédé de vote par empreinte rétinienne. J'ai prétexté que cette méthode était peu fiable pour garder secret notre choix, j'ai parlé de fichiers, de fichage, d'être fiché, fichtre...Il a souri. "Il vous reste la possibilité de voter à l'ancienne, en déposant votre bulletin dans l'urne à la mairie". Je préfère. Faveur accordée aux anciens nés avant 1990. Il m'a remis une carte d'électeur qu'il a tamponnée sous mes yeux, genre truc officiel. Je dois me munir d'une pièce d'identité. Très important, même si on ne me l'a jamais réclamée.
Nous sommes des dizaines au rendez-vous de la grande messe dominicale de l'élection dite présidentielle. Des dizaines de vieilles et de vieux sur tapis roulant rouge avec ou sans déambulateur, courbés, tordus, croulants sous le poids des ans, se donnant parfois la main, aussi belles et beaux qu'un rang d'oliviers secs et noueux aux lignes zigzagantes d'une sierra andalouse. 
Nous sommes encadrés par des AI, Aimables Intervenants, tous habillés à l'identique, la mode étant revenue à l'imper. Mon voisin de droite semble nerveux, répète cette phrase troublante "le troupeau qu'on mène à l'abattoir". Les AI sourient. Bleu du ciel, douceur du soleil. Je ne détecte là aucun piège. Je rassure mon voisin. Nous allons voter, remplir notre devoir de citoyens, peut-être changer le cours des choses, à notre âge c'est une chance de pouvoir encore y participer..."Et les bus, ils sont là pour nous raccompagner ?". Quels bus ? Un vague coup de tête, une canne qui se lève vers la gauche. Une rue adjacente. Plus de tapis rouge. Trois bus en file indienne, des cordons d'AI enchapeautés escortent nos camarades votants fatigués, résignés, les aident à grimper, à prendre place...destination une maison de retraite, un centre gérontopolis, une salle des fêtes, un ailleurs pour collation...Mon imagination s'affole...Paranoïa...Trop plein de mémoire...Je quitte les rangs prétextant un besoin urgent. 
Mai 2064. Un dimanche. Mes dernières élections. Je vais user de ma rétine. 
Et demain je rejoindrai mon île pacifique pour y fêter mes 100 ans...

Écrit par : calouan14 

 

et la 2e place, à Jean (et G-Rare par la même occasion, qui n'a pas écrit son propre texte mais c'est glissé, malin, dans celui de Jean...)

 

10 mai 1981, quelques minutes avant 20 heures, le visage fermé d’Elkabach nous indiquait clairement que son chouchou avait perdu, son Giscard - pour vous situer le personnage, le genre NKM, vous savez bouche en cul de poule, qui considère que la gauche au pouvoir n’est pas légitime et ne peut en aucun cas l’être. 20 heures, le visage de Mitterand qui apparait. OUF !!! Ma mère pleurant de joie « Toi, c’est la première fois que tu votes et tu gagnes, c’est incroyable ». Elle qui votait depuis près de quarante ans, sans succès, pour des clopinettes.
J’allais avoir vingt ans, avec un simple bulletin de vote, on avait chassé Giscard. « Au revoir », c’est ça barre-toi, connard. La vie s’offrait à nous. On était tellement de gauche …
Etudes obligent, je rentrais sur Lille en toute fin de soirée débarquant sur la place de la gare, noire de monde. Une foule heureuse, délirante se baignant dans les fontaines, jeunes, vieux, tous ensemble, l’été s’annonçait magnifique (il le fut !). On allait voir ce qu’on allait voir, la vie allait changer, c’était sûr.
Avec mes sacs pour la semaine et une rose qu’une charmant jeune femme m’avait offerte, je devais remonter toute la longue rue Nationale et regagner ma piole. J’ai mis deux heures pour faire ces cinq cents mètres voulant profiter de chaque instant, de chaque embrassade, de chaque ronde endiablée à chaque carrefour, de ces moments uniques, historiques. Je suis allé en cours sur le coup de 11 heures du mat’ (au lieu de 8 heures) débarquant dans la classe avec ma rose. Le prof faisait la gueule, encore plus que d’habitude . Dur d’être de droite quand on est prof. « Alors Riquart, encore entrain de faire de la politique, s’agirait maintenant de se mettre au travail. Monsieur se permet d’être en retard, ça commence bien, quelle excuse vous allez encore nous inventer ? »
« Monsieur le Professeur d’abord bonjour, je vous prie de bien vouloir excuser ce retard totalement indépendant de ma volonté. L’explication en est simple, je suis venu ce matin en voiture mais vu le nombre de chars russes qu’il y avait sur l’autoroute, j’ai mis 4 heures pour regagner Lille ». Rires étouffés dans l’assistance, mon petit moment de gloire à moi. L’après midi même, j’étais convoqué chez le directeur de l’école.

Écrit par : jean

 

pour les autres.... je ne vous dis pas merci !!

Commentaires

C'est trop d'honneur ! Merci à Jean pour ce bon souvenir ! On attend la suite...
Bise

Écrit par : calouan14 | 01 avril 2014

Je sais, j'ai promis de donner une suite, et comme dit François H une promesse est une promesse ...

Écrit par : jean | 08 avril 2014

Les commentaires sont fermés.