09 juin 2007
Fernand
par un samedi ensoleillé où nous attendions que des lecteurs passionnés viennent nous faire la causette, Christine Féret-Fleury, Anne Noisier et moi avons eu envie de nous lancer dans l’écriture d’un texte à 6 mains ( euh…3 x 2 bien sûr !) qui aurait pour titre : « Sous l’olivier… sans piétiner les fleurs ».
ce fût très amusant et le résultat fût surprenant.
je vous livre ici le début. et si vous êtes bien gentils, je vous livrerai la fin une prochaine fois. encore une fois magie et tendresse sont au programme…
Sur la place presque déserte du petit village de Provence, un petit olivier s’ennuyait.
Personne pour lui faire la conversation ! Les anémones et les pensées, tout occupées de lisser leurs corolles, ne levaient jamais la tête vers lui. Le vieux chat du boulanger profitait de l’ombre du bel arbre pour dormir.
Les oiseaux volaient trop haut. Et même les joueurs de boules avaient déserté la placette, trop étroite, prétendaient-ils.
C’est alors que tout d’un coup, il débarqua sur son vieux vélo qui l’avait emmené vers tant de rendez-vous, un Cyrille Guimard s’il vous plait !, ébloui par le soleil de début d’après-midi.
- Laissez place, voilà le Fernand entendait-on les jours de foule. Car Fernand était une figure dans le village. Toujours alerte à quatre-vingt-trois ans bien sonnés, il circulait inlassablement en bicyclette, sa casquette vichy vissée sur son crâne dégarni.
Ce jour-là, aucun son ne se fit entendre et pour cause, il n’y avait personne. Fernand se laissa donc intriguer par une silhouette qui s’éloignait et il percuta de plein fouet l’olivier.
Malgré la force du choc, Fernand ne gardait qu’un mot en tête qui lui était subitement venu : Joséphine.
- Tu sais, dit-il à l’olivier (car sonné il ne considérait plus absurde de s’adresser à un arbre) je ne l’ai jamais oubliée.
Il se redressa, ôta les pinces qui maintenaient le bas de son pantalon et s’adossa confortablement contre le tronc rugueux à la recherche d’un peu d’ombre.
- C’était il y a soixante ans, continua-t-il. Tu ne peux pas t’en souvenir, tu n’étais à l’époque qu’un arbrisseau en pépinière ! Elle portait une robe jaune, de la couleur des boutons d’or. Et elle se tenait exactement là où on t’a planté plus tard. Je me suis approché d’elle et je lui ai dit :
- Vous êtes, Mademoiselle, aussi éblouissante qu’une jonquille à peine éclose : fraîche, élégante et tout en raffinement ! Si j’osais, je vous cueillerais.
Mais mon discours ne semblait pas la séduire.
Fernand frottait son genou endolori par la chute pendant que le chat du boulanger ronronnait à ses pieds, perdu dans la contemplation d’un papillon aux ailes multicolores.
Le vieux cycliste ferma les yeux quelques instants, cherchant un souvenir plus net de sa première rencontre avec celle qui avait bouleversé sa vie, il s’en rendait compte à présent.
Il reprit, en caressant délicatement les pétales d’une anémone :
- Elle allait s’éloigner, tu sais l’olivier, ignorant mes paroles mielleuses, disparaître de ma vue, de ma vie quand mademoiselle Duchemin, la mercière qui venait de passer au bleu des galons blancs un peu jaunis, ouvrit sa fenêtre et déversa un seau d’eau de rinçage sur la tête de ma bien-aimée.
Trempée, la belle robe jaune ! Défaites les boucles châtain qui dansaient si joliment sur le front de la jeune fille ! De jonquille, en deux secondes elle s’était muée en sirène…
Comme j’habitais tout près – la maison aux volets verts, là, en face – je lui proposai une serviette, un peignoir et un petit verre de prune pour la réchauffer. Elle accepta. Et crois-moi si tu veux, mais à partir de ce moment, nous ne nous sommes plus quittés. Jusqu’à…
maintenant, si vous voulez vous amuser à proposer une suite...
20:45 Publié dans mes ateliers d'écriture, un peu de moi | Lien permanent | Commentaires (0)
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