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10 septembre 2011

because the night

symbole américain en trio...

ce concert a eu lieu en 2009, je le "lui" dédie.

 

10 ans après

c'est la commémoration du moment : ça va faire 10 ans que les tours jumelles ont été anéanties.

France Inter nous donne un déroulement précis des évènements et je pense que c'est bien de s'y intéresser...

mon Tiloulou n'avait pas encore un an et le monde venait de vivre un moment inoubliable...

 

 

La chronologie 

 

à New-York - 14h46 à Paris, le vol AA11 d’American Airlines percute à 710 km/h la tour NordIl ouvre une gigantesque brèche dans les étages supérieurs, du 93e au 99e, qui s'enflamment. Le vol AA11 a décollé à 7h59 de l’aéroport international Logan de Boston à destination de Los Angeles. A son bord : onze membres d’équipage et 81 passagers, dont cinq militants d’Al-Qaeda 

 

à New-York - 15h03 à Paris, le vol UA175 d’United Airlines percute à 870 km/h la tour Sud. L’immeuble est touché entre les 77e et 85e étages. Le vol UA175 a  décollé de l’aéroport international Logan de Boston à destination de Los Angeles. A son bord : neuf membres d’équipage et 56 passagers, dont 5 militants d’Al-Qaeda.

 

à New-York - 15h05 à Paris, le président George Bush commence à lire une histoire à des enfants d'une école primaire de Sarasota en Floride. « Un deuxième avion a frappé la deuxième tour.  Nous sommes attaqués », lui glisse-t-on à l'oreille. Le président continue à lire. 25 minutes après, il annoncera aux écoliers qu'il rentre à Washington car une « tragédie nationale » vient de se produire.

 

à New-York - 15h38 à Paris, le vol AA77 d’American Airlines, pénètre à 850 km/h l’aile occidentale du Pentagone, qui abrite le Département de la Défense. Le vol AA77 a décollé à 8h20 de l’aéroport de Washington-Dulles à destination de Los Angeles. A son bord : six membres d’équipage et 58 passagers, parmi lesquels cinq militants d’Al-Qaeda. 




 

à New-York - 15h42 à Paris, le directeur des opérations nationales de la Fédéral Aviation Administration ordonne la fermeture totale de l'espace aérien américain. Tous les vols commerciaux sont annulés et tous les vols internationaux détournés sur le Canada.


à New-York - 15h58 à Paris, effondrement de la tour Sud à la stupéfaction des pompiers et des architectes, qui pensaient que le bâtiment résisterait à des chocs très importants. L’architecte du World Trade Center, Minoru Yamasaki, n’avait-il pas toujours prétendu que ses immeubles étaient « invulnérables » ?  

 

à New-York - 16h03 à Paris, le vol UA93 d’United Airlines s’écrase en rase campagne à Shanksville, au sud-est de Pittsburgh, en Pennsylvanie. Le vol UA93 a décollé à 8h42 de l’aéroport international de Newark-Liberty (New Jersey) à destination de San Francisco. A son bord : six membres d’équipage et 37 passagers. Ils se sont rebellés contre les pirates et les ont ainsi empêchés de lancer l’appareil contre la Maison Blanche, à Washington. Parmi les passagers, quatre militants d’Al-Qaeda.


à New-York - 16h28 à Paris, effondrement de la tour Nord, 30 minutes après la tour Sud. L'effondrement des Tours Jumelles entraine la mort de plus de 400 pompiers, secouristes et policiers, et la destruction totale ou partielle des cinq autres immeubles composant le World Trade Center, d’une église et de deux autres bâtiments. Les débris projetés par l’effondrement des tours ont endommagé 40 autres immeubles alentour.

 

 

08 septembre 2011

pas blonde

souvent je pense à son ventre où j'ai rêvé une maternité féminine, ce ventre tordu creusé qui un jour s'arrondira.

souvent je pense à son sourire, large bouche lumineuse que j'ai pourtant vu pleurer, crier, douter.

souvent je pense à ses yeux qui brillaient, je ne sais même plus s'ils ressemblent aux siens, à lui.

je pense aux mots qu'elles m'a envoyés, aux secrets partagés...

elle n'est pas ma fille. mais il n'empêche...

je pense à elle. souvent.

07 septembre 2011

Julie et les cerises

elle, c'est Julie et je l'ai découverte dans une galerie à Lourmarin : Le hangart, peinte par Corinne Brenner.

et j'avoue que j'ai craqué.

il n'y a pas que Julie, d'autres femmes peuplent l'univers de Corinne Brenner et je vous invite à aller voir...

06 septembre 2011

la rentrée de Pépé

après la pluie, Pépé Roni vous propose une petite recette de saison...

truite

the XX

découvert ce groupe très particulier... comme une douceur fragile, une douleur dont on guérit vite...

05 septembre 2011

Montévidéo

je partage un appel reçu hier, si cela peut vous intéresser :

 

"Nous vous proposons de participer à Ads au projet de Richard Maxwell,  un artiste américain qui sera présenté à La Friche Belle de Mai -  Marseille, dans le cadre du festival actOral.11, le samedi 8 octobre à 20h30.


Avec Ads (publicité en français), Richard Maxwell interroge les possibilités d’un théâtre sans présence humaine. Sur scène, à tour de rôle, hommes et femmes de tout âge se succèdent et racontent avec sincérité ce en quoi ils croient. À l’aide d’un dispositif visuel créant l’illusion du volume et de la transparence, la présence des interprètes est rendue étrangement fantomatique. Inspiré du livre No Logo de Naomie Klein, Ads prétend faire du théâtre  
sans théâtre, avec la vraisemblance technologie comme seul souvenir du vivant. Richard Maxwell questionne ici la problématique contemporaine de nos présences humaines dans un monde virtuel.

"Je suis auteur et metteur en scène. Ads marque une étape importante dans mon parcours. C'est le résultat de deux années de réflexion sur une question: dans un monde rongé par une crise identitaire, mais paradoxalement dominé par la publicité, comment l'être humain peut-il retrouver une vraie place ? Ce qui touche à des questions que je me pose depuis longtemps, telles que : qu'est-ce que la présence ? Qu'est-ce que l'absence peut apporter, signifier?
Ads offre aux gens la possibilité d'évoquer, d'affirmer publiquement ce en quoi ils croient. Nous avons effectué près d'une centaine de ces Ads au cours des derniers mois : à New York, Salzbourg, Evry, Toulouse et Marseille. Les gens se voient attribuer 3 minutes, avec  
pour seule contrainte d'être sincères. En retour ils ouvrent une fenêtre sur leur ville. Et c'est un privilège de pouvoir découvrir une communauté de cette manière - une saisie construite par ce en quoi les gens croient".
Richard Maxwell

Qui ?
Tout le monde, des hommes et des femmes, des gens de tous les âges (à partir de 14 ans), de toutes origines - Richard Maxwell recherche des gens qui représentent la grande diversité de Marseille & avant tout de vrais gens, sincères et spontanés.

Ce que vous devez faire ?
1 - Répondre par écrit à la question "What do you believe ?" - 

"En quoi croyez-vous ? Qu'est-ce qui est important pour vous ?"
NB: Il n'y a aucune contrainte de style, de sujet, de forme - la lecture du texte ne doit pas dépasser 3minutes
RECOMMANDATION : éviter de trop répéter "je crois à".

2 - Vous nous envoyez votre texte par mail pour qu'on le transmette à Richard Maxwell.

3 - Et vous venez lire ce court texte devant la caméra de Richard Maxwell entre le 4 et le 10 septembre à montévidéo (ça vous prend 30 minutes maximum) > Cela n'implique pas de "faire" le comédien, de répéter, ni de venir sur scène le jour de la représentation, ni de répéter pour le spectacle.

Il ne s'agit pas d'un exercice d'auteur pour le texte, ni d'interprète pour la captation vidéo de la lecture - il faut rester le plus spontané possible.

(Attention: le terme de croire / croyance ne renvoie pas pas forcément à la religion & vous n'avez pas à apprendre votre texte par coeur).

Bien évidemment, nous serons très heureux d'inviter tous les participants à la représentation du 8 octobre.

Pour vous renseigner, vous expliquer le projet, valider votre  
inscription:
Charles Mesnier / 04 91 37 30 27 - 06 63 79 34 58 / c.mesnier@actoral.org"


03 septembre 2011

Limonov

sur le blog de Telerama, on peut lire des extraits des livres que j'ai cités dans le précédent post.

je vous glisse un extrait (le début) du livre d'Emmanuel Carrère, paru chez P.O.L. :

 

 

Celui qui veut restaurer le communisme n’a pas de tête. Celui qui ne le regrette pas n’a pas de cœur.

Vladimir Poutine

 

Prologue Moscou, octobre 2006, sePteMbre 2007

 

 

 

 

1

Jusqu’à ce qu’Anna Politkovskaïa soit abattue dans l’escalier de son immeuble, le 7 octobre 2006, seuls les gens qui s’intéressaient de près aux guerres de Tchétché- nie connaissaient le nom de cette journaliste courageuse, opposante déclarée à la politique de Vladimir Poutine. Du jour au lendemain, son visage triste et résolu est devenu en Occident une icône de la liberté d’expression. Je venais alors de tourner un film documentaire dans une petite ville russe, je séjournais souvent en Russie, c’est pourquoi un magazine m’a proposé dès que la nouvelle est tombée de prendre le premier avion pour Moscou. Ma mission n’était pas d’enquêter sur le meurtre de Politkovskaïa, plutôt de faire parler des gens qui l’avaient connue et aimée. C’est ainsi que j’ai passé une semaine dans les bureaux de Novaïa Gazeta, le journal dont elle était le reporter-vedette, mais aussi d’associations pour la défense des droits de l’homme et de comités formés par des mères de soldats tués ou mutilés en Tchétchénie. Ces bureaux étaient minuscules, pauvrement éclairés, équipés d’ordinateurs vétustes. Les activistes qui m’y recevaient étaient souvent âgés aussi, et pathétiquement peu nombreux. C’est un tout petit cercle, où tout le monde se connaît, où je n’ai pas tardé à connaître tout le monde, et ce tout petit cercle constitue pratiquement à lui seul l’opposition démocratique en Russie.

Outre quelques amis russes, je connais à Moscou un autre petit cercle, composé d’expatriés français, journa- listes ou hommes d’affaires, et quand je leur racontais, le soir, mes visites de la journée, ils souriaient avec un peu de commisération : ces vertueux démocrates dont je leur parlais, ces militants des droits de l’homme, c’étaient bien sûr des gens respectables, mais la vérité, c’est que tout le monde s’en foutait. Ils menaient un combat perdu d’avance dans un pays où l’on se soucie peu des libertés formelles pourvu que chacun ait le droit de s’enrichir. Par ailleurs, rien ne divertissait ou, selon leur caractère, n’agaçait autant mes amis expatriés que la thèse répandue dans l’opinion française selon laquelle le meurtre de Politkovskaïa avait été commandité par le FSB – la police politique qu’on appelait, au temps de l’Union soviétique, le KGB – et plus ou moins par Poutine lui-même.

« Attends, m’a dit Pavel, un universitaire franco-russe reconverti dans les affaires, il faut arrêter de dire n’importe quoi. Tu sais ce que j’ai lu – dans le Nouvel Obs, je crois ? Que c’est tout de même bizarre si Politkovskaïa s’est fait descendre, comme par hasard, le jour de l’anniversaire de Poutine. Comme par hasard ! Tu te rends compte du degré de connerie qu’il faut pour écrire noir sur blanc ce comme par hasard? Tu imagines la scène? Réunion de crise au FSB. Le patron dit : les gars, il va falloir se creuser la cer- velle. C’est bientôt l’anniversaire de Vladimir Vladimiro- vitch, il faut vraiment qu’on trouve un cadeau qui lui fasse plaisir. Quelqu’un a une idée ? Ça gamberge, puis une voix s’élève : et si on lui apportait la tête d’Anna Politkovskaïa, cette emmerdeuse qui ne fait que le critiquer? Murmure d’approbation dans l’assistance. En voilà, une bonne idée! Au boulot, les enfants, vous avez carte blanche. Excuse- moi, dit Pavel, mais cette scène-là, je ne l’achète pas. Dans un remake russe des Tontons flingueurs, à la rigueur. Dans la réalité, non. Et tu sais quoi? La réalité, c’est ce qu’a dit Poutine, qui a tellement choqué les belles âmes d’Occident : l’assassinat d’Anna Politkovskaïa et le raffut qu’on fait autour causent beaucoup plus de tort au Kremlin que les articles qu’elle écrivait de son vivant, dans son journal que personne ne lisait. »

J’écoutais Pavel et ses amis, dans les beaux appar- tements que les gens comme eux louent à prix d’or au centre de Moscou, défendre le pouvoir en disant que premièrement les choses pourraient être mille fois pires, deuxièmement que les Russes s’en contentent – alors au nom de quoi leur faire la leçon? Mais j’écoutais aussi des femmes tristes et usées qui à longueur de journée me racontaient des his- toires d’enlèvements, la nuit, dans des voitures sans plaques d’immatriculation, de soldats torturés non par l’ennemi mais par leurs supérieurs, et surtout de dénis de justice. C’est cela qui revenait sans cesse. Que la police ou l’armée soient corrompues, c’est dans l’ordre des choses. Que la vie humaine ait peu de prix, c’est dans la tradition russe. Mais l’arrogance et la brutalité des représentants du pouvoir quand de simples citoyens se risquaient à leur demander des comptes, la certitude qu’ils avaient de leur impunité, voilà ce que ne supportaient ni les mères de soldats, ni celles des enfants massacrés à l’école de Beslan, au Caucase, ni les proches des victimes du théâtre de la Doubrovka.

Rappelez-vous, c’était en octobre 2002. Toutes les télé- visions du monde n’ont montré que cela pendant trois jours. Des terroristes tchétchènes avaient pris tout le public du théâtre en otage pendant la représentation d’une comédie musicale appelée Nord-Ost. Les forces spéciales, excluant toute négociation, ont résolu le problème en gazant, avec les preneurs d’otages, les otages eux-mêmes – fermeté dont le président Poutine les a chaleureusement félicitées. Le nombre des victimes civiles est discuté, il tourne autour de cent cinquante, et leurs proches sont considérés comme des complices des terroristes quand ils demandent si on n’aurait pas pu essayer de s’y prendre autrement et les traiter, eux et leur deuil, avec un peu moins de négligence. Chaque année, depuis, ils se réunissent pour une cérémonie de commémoration que la police n’ose pas carrément interdire mais surveille comme un rassemblement séditieux – ce que c’est, de fait, devenu.

J’y suis allé. Il y avait deux, trois cents personnes, je dirais, sur la place devant le théâtre, et autour d’elles autant d’OMON, qui sont l’équivalent russe de nos CRS, comme eux munis de casques, de boucliers et de lourdes matraques. Il s’est mis à pleuvoir. Des parapluies s’ouvraient au-dessus des bougies qui, avec leurs collerettes en papier pour pro- téger les doigts de la cire brûlante, m’ont rappelé les offices orthodoxes auxquels on m’emmenait, à Pâques, quand j’étais petit. Des pancartes remplaçaient les icônes, avec les photos et les noms des morts. Les gens qui portaient ces pancartes et ces bougies étaient des orphelins, des veufs et des veuves, des parents qui avaient perdu un enfant – ce pour quoi il n’existe pas davantage de mot en russe qu’en français. Aucun représentant de l’État n’était venu, comme l’a souligné avec une colère froide un représentant des familles, qui a prononcé quelques mots – les seuls de toute la cérémonie. Pas de discours, pas de slogans, pas de chants. On se contentait de rester debout, en silence, sa bougie à la main, ou de parler bas, par petits groupes, entre les rem- parts d’OMON qui avaient bouclé le périmètre. En regar- dant autour de moi, j’ai reconnu plusieurs visages : outre les familles endeuillées, il y avait là le ban et l’arrière-ban de ce petit monde d’opposants dont je faisais depuis une semaine le tour, et j’ai échangé avec eux quelques signes de tête empreints d’une convenable affliction.

Tout en haut des marches, devant les portes fermées du théâtre, une silhouette me semblait vaguement fami- lière, mais je ne parvenais pas à l’identifier. C’était un homme vêtu d’un manteau noir, tenant comme les autres une bougie, entouré de plusieurs personnes avec qui il par- lait à mi-voix. Au centre d’un cercle, dominant la foule, en retrait mais attirant le regard, il donnait une impression d’importance et j’ai bizarrement pensé à un chef de gang assistant avec sa garde rapprochée à l’enterrement d’un de ses hommes. Je ne le voyais qu’en profil perdu, du col relevé de son manteau dépassait une barbiche. Une femme qui, à côté de moi, l’avait repéré aussi a dit à sa voisine : « Édouard est là, c’est bien. » Il a tourné la tête, comme si malgré la distance il l’avait entendue. La flamme de la bougie a creusé les traits de son visage.

J’ai reconnu Limonov. 

 

 

2

Depuis combien de temps n’avais-je pas pensé à lui? Je l’avais connu au début des années quatre-vingt, quand il s’était installé à Paris, auréolé par le succès de son roman à scandale, Le poète russe préfère les grands nègres. Il y racontait la vie misérable et superbe qu’il avait menée à New York après avoir émigré d’Union soviétique. Petits boulots, survie au jour le jour dans un hôtel sordide et parfois dans la rue, coucheries hétéro et homosexuelles, cuites, rapines et bagarres : cela pouvait faire penser, pour la violence et la rage, à la dérive urbaine de Robert De Niro dans Taxi Driver, pour l’élan vital aux romans de Henry Miller dont Limonov avait le cuir coriace et la placidité de cannibale. Ce n’était pas rien, ce livre, et son auteur, quand on le rencontrait, ne décevait pas. On était habitué, en ce temps-là, à ce que les dissidents soviétiques soient des barbus graves et mal habillés, habitant de petits appartements remplis de livres et d’icônes où ils passaient des nuits entières à parler du salut du monde par l’orthodoxie ; on se retrouvait devant un type sexy, rusé, marrant, qui avait l’air à la fois d’un marin en bordée et d’une rock-star. On était en pleine vague punk, son héros revendiqué était Johnny Rotten, le leader des Sex Pistols, il ne se gênait pas pour traiter Soljenit- syne de vieux con. C’était rafraîchissant, cette dissidence new wave, et Limonov à son arrivée a été la coqueluche du petit monde littéraire parisien – où, pour ma part, je débutais timidement. Ce n’était pas un auteur de fiction, il ne savait raconter que sa vie, mais sa vie était passionnante et il la racontait bien, dans un style simple, concret, sans chichis littéraires, avec l’énergie d’un Jack London russe. Après ses chroniques de l’émigration, il a publié ses sou- venirs d’enfant dans la banlieue de Kharkov, en Ukraine, puis de délinquant juvénile, puis de poète d’avant-garde à Moscou, sous Brejnev. Il parlait de cette époque et de l’Union soviétique avec une nostalgie narquoise, comme d’un paradis pour hooligans dégourdis, et il n’était pas rare qu’en fin de dîner, quand tout le monde était ivre sauf lui, car il tient prodigieusement l’alcool, il fasse l’éloge de Sta- line, ce qu’on mettait sur le compte de son goût pour la provocation. On le croisait au Palace, arborant une vareuse d’officier de l’Armée rouge. Il écrivait dans L’Idiot inter- national, le journal de Jean-Édern Hallier, qui n’était pas blanc-bleu idéologiquement, mais rassemblait des esprits anticonformistes et brillants. Il aimait la bagarre, il avait un succès incroyable avec les filles. Sa liberté d’allures et son passé aventureux en imposaient aux jeunes bourgeois que nous étions. Limonov était notre barbare, notre voyou : nous l’adorions.

Les choses ont commencé à prendre un tour bizarre quand le communisme s’est effondré. Tout le monde s’en réjouissait sauf lui, qui n’avait plus du tout l’air de plaisan- ter en réclamant pour Gorbatchev le peloton d’exécution. Il s’est mis à disparaître pour de longs voyages dans les Balkans, où on a découvert avec horreur qu’il faisait la guerre au côté des troupes serbes – autant dire, à nos yeux, des nazis ou des génocidaires hutus. On l’a vu, dans un documentaire de la BBC, mitrailler Sarajevo assiégée sous l’œil bienveillant de Radovan Karadžić, leader des Serbes de Bosnie et criminel de guerre avéré. Après ces exploits, il est retourné en Russie où il a créé un parti politique portant le nom engageant de parti national-bolchevik. Des repor- tages, quelquefois, montraient des jeunes gens au crâne rasé, vêtus de noir, qui défilaient dans les rues de Moscou en faisant un salut mi-hitlérien (bras levé) mi-communiste (poing fermé) et braillant des slogans comme « Staline! Beria ! Goulag ! » (sous-entendu : qu’on nous les rende !) Les drapeaux qu’ils brandissaient imitaient celui du IIIe Reich, avec la faucille et le marteau à la place de la croix gammée. Et l’énergumène à casquette de base-ball qui gesticulait, mégaphone au poing, en tête de ces colonnes, c’était ce garçon drôle et séduisant dont, quelques années plus tôt, nous étions tous si fiers d’être les amis. Cela faisait un effet aussi étrange que de découvrir qu’un ancien camarade de lycée est devenu une figure du grand banditisme ou s’est fait sauter dans un attentat terroriste. On repense à lui, on remue des souvenirs, on tâche d’imaginer l’enchaînement de circonstances et les ressorts intimes qui ont entraîné sa vie si loin de la nôtre. En 2001, on a appris que Limonov était arrêté, jugé, emprisonné pour des raisons assez obs- cures où il était question de trafic d’armes et de tentative de coup d’état au Kazakhstan. C’est peu dire qu’on ne s’est pas bousculés, à Paris, pour signer la pétition réclamant sa remise en liberté.

Je ne savais pas qu’il était sorti de prison, et j’étais surtout stupéfait de le retrouver ici. Il faisait moins rocker qu’autrefois, plus intellectuel, mais il avait toujours la même aura, impérieuse, énergique, palpable même à cent mètres de distance. J’ai hésité à me mettre dans une file de gens qui, visiblement touchés de sa présence, venaient le saluer avec respect. Mais j’ai, à un moment, croisé son regard et, comme il n’a pas semblé me reconnaître, comme je ne savais trop par ailleurs quoi lui dire, j’ai laissé tomber.

Troublé par cette rencontre, je suis rentré à l’hôtel, où une nouvelle surprise m’attendait. En parcourant un recueil d’articles d’Anna Politkovskaïa, j’ai découvert qu’elle avait deux ans plus tôt suivi le procès de trente-neuf militants du parti national-bolchevik, accusés d’avoir envahi et vandalisé le siège de l’administration présidentielle aux cris de « Poutine, va-t’en! ». Pour ce crime, ils avaient écopé de lourdes peines de prison et Politkovskaïa prenait haut et fort leur défense : des jeunes gens courageux, intègres, seuls ou presque à donner confiance dans l’avenir moral du pays.

Je n’en revenais pas. L’affaire m’avait paru classée, sans appel : Limonov était un affreux fasciste, à la tête d’une milice de skinheads. Or voici qu’une femme unanimement considérée depuis sa mort comme une sainte parlait de lui, et d’eux, comme de héros du combat démocratique en Rus- sie. Même son de cloche, sur internet, de la part d’Elena Bonner. Elena Bonner! La veuve d’Andreï Sakharov, grand savant, grand dissident, grande conscience morale, prix Nobel de la paix. Elle aussi, elle trouvait très bien les nasbols, comme j’ai appris à cette occasion qu’on appelle en Russie les membres du parti national-bolchevik. Il fau- drait peut-être, disait-elle, qu’ils pensent à changer le nom de leur parti, malsonnant à certaines oreilles : autrement, des gens épatants.

Quelques mois plus tard, j’ai appris que se formait sous le nom de Drougaïa Rossia, l’autre Russie, une coalition politique composée de Gary Kasparov, Mikhaïl Kassio- nov et Édouard Limonov – soit un des plus grands joueurs d’échecs de tous les temps, un ancien Premier ministre de Poutine et un écrivain selon nos critères infréquentable : drôle d’attelage. Quelque chose, de toute évidence, avait changé, peut-être pas Limonov lui-même mais la place qu’il tenait dans son pays. C’est pourquoi, quand Patrick de Saint-Exupéry, que j’avais connu correspondant du Figaro à Moscou, m’a parlé d’une revue de reportages dont il pré- parait le lancement et demandé si j’aurais un sujet pour le premier numéro, j’ai sans même réfléchir répondu : Limo- nov. Patrick m’a regardé avec des yeux ronds : « C’est une petite frappe, Limonov. » J’ai dit : « Je ne sais pas, il fau- drait aller voir.

– Bien, a tranché Patrick sans demander davantage d’explications, va voir. »

Il m’a fallu un peu de temps pour remonter la piste, obtenir par Sacha Ivanov, un éditeur de Moscou, son numéro de portable. Et une fois que je l’ai eu, ce numéro, il m’a fallu du temps pour le composer. J’hésitais sur le ton à adopter, pas seulement vis-à-vis de lui mais pour moi- même : étais-je un vieux copain ou un enquêteur soup- çonneux? Fallait-il parler russe ou français? Le tutoyer ou le vouvoyer? Je me rappelle ces hésitations mais pas, curieusement, la phrase que j’ai prononcée quand, dès ma première tentative et avant même la seconde tonalité, il a décroché. J’ai dû dire mon nom et, sans une seconde de flottement, il a répondu : « Ah, Emmanuel. Ça va? » J’ai bredouillé que oui, pris de court : nous nous connaissions peu, ne nous étions pas vus depuis quinze ans, je m’atten- dais à devoir lui rappeler qui j’étais. Aussitôt, il a enchaîné : « Vous étiez à la cérémonie à Doubrovka, l’année dernière, n’est-ce pas ? »

Je suis resté sans voix. À cent mètres de distance, je l’avais, moi, longuement dévisagé, mais nos regards ne s’étaient croisés qu’un instant et rien de sa part, ni temps d’arrêt ni haussement de sourcils, n’avait manifesté qu’il m’avait reconnu. Plus tard, une fois remis de ma stupéfac- tion, j’ai pensé que Sacha Ivanov, notre ami éditeur, avait pu lui annoncer mon appel, mais je n’avais rien dit à Sacha Ivanov de ma présence à la Doubrovka, le mystère restait donc entier. J’ai compris par la suite que ce n’était pas un mystère, simplement qu’il a une mémoire prodigieuse et un contrôle non moins prodigieux de lui-même. Je lui ai dit que je voulais faire un long article sur lui, et il a accepté sans façon que je vienne passer deux semaines à ses côtés – « sauf, a-t-il ajouté, si on me remet en prison ».

 

 

3

Deux jeunes costauds au crâne rasé, vêtus de jeans et blousons noirs, chaussés de rangers, viennent me chercher pour me conduire à leur chef. Nous traversons Moscou dans une Volga noire aux vitres fumées et je m’attendrais presque à ce qu’on me bande les yeux, mais non, mes anges gardiens se contentent d’inspecter rapidement la cour de l’immeuble, puis la cage d’escalier, le palier enfin, donnant sur un petit appartement sombre, meublé comme un squat, où deux autres crânes rasés tuent le temps en fumant des cigarettes. [...]


01 septembre 2011

rentrée littéraire

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Pour la septième année, France Culture et Télérama dévoilent leur sélection de la rentrée littéraire.
Au programme : 10 romans français et 10 étrangers. Le jury, constitué de Caroline Broué, Arnaud Laporte, Olivier Poivre d’Arvor, Augustin Trapenard, Sandrine Treiner et Alain Veinstein pour France Culture, et de Michel Abescat, Nathalie Crom, Christine Ferniot, Gilles Heuré, Marine Landrot et Fabienne Pascaud pour Télérama, s’est réuni mardi 23 août et a établi la sélection suivante :
Romans français :
- Limonov d’Emmanuel Carrère (P.O.L)
- Clèves de Marie Darrieussecq (P.O.L)
- Le ravissement de Britney Spears de Jean Rolin (P.O.L)
- Ma chère Lise de Vincent Almendros (Minuit)
- Repas de morts de Dmitri Bortnikov (Allia)
- Solène de François Dominique (Verdier)
- Brut de Dalibor Frioux (Seuil)
- O solitude de Catherine Millot (Gallimard)
- So long, Luise de Céline Minard (Denoël)
- Comme une ombre de Michel Schneider (Grasset)