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06 novembre 2013

lilliputiens vs géants

la thématique était : "je suis un microbe" ou "l'autre est un géant", un truc du genre. une façon de prendre du recul sur sa place dans ce monde, sur la taille de nos vies par rapport à l'immensité de cette planète.

bon, là, j'extrapole...

j'aime bien le travail de ces trois copains... 

et si toute notre vie n'était qu'un trompe-l'oeil ?

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20:23 Publié dans lamiendo | Lien permanent | Commentaires (0)

05 novembre 2013

Sweetie et interpol

elle s'appelle Sweetie, elle est philippine, elle a dix ans et elle peut se déshabiller devant votre écran si vous la payez...

ils sont des dizaines de milliers d'hommes à l'avoir contactée et avoir accepté de payer pour qu'elle fasse des choses indécentes, juste pour leur plaisir de voyeur, devant la webcam..

bon, je m'emporte...

Sweetie n'est pas vivante, c'est un prototype virtuel inventé par l'ONG Terre des Hommes pour choper ces pédophiles qui se cachent derrière leur écran. ils aiment "jouer" avec une gamine mais sont trop lâches pour assumer...

sur toute cette bande de "prédateurs", mille ont été identifiés dans 65 pays différents et leurs coordonnées ont été transmises aux autorités comme Interpol...

on parle de tourisme sexuel par Internet, via la webcam...

j'ai hâte de connaître la suite de tout cela..

Sweetie, créée par ordinateur, a pemris de traquer 10.000 pédophiles, le 4 novembre 2013.

04 novembre 2013

osbscurité

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allonge-toi près de moi ne dis rien

pose tes mains chaudes sur mes courbes

pose tes lèvres douces sur ma peau

ferme les yeux ne me regarde pas baisse la lumière réchauffe-moi viens reste-là ne pars pas reste...

Goncourt : extrait

sur le site de France Inter, on peut télécharger un extrait du prix Goncourt 2013.

pour ceux que ça tente, je vous glisse en-dessous cet extrait :

Extrait: Au revoir là-haut, 

par Pierre Lemaître 

Paru aux éditions Albin Michel le 21 août 2013 

Prix Goncourt 2013 


"Novembre 1918 

Ceux qui pensaient que cette guerre finirait bientôt étaient tous morts depuis longtemps. De la guerre, justement. Aussi, en octobre, Albert reçut-il avec pas mal de scepticisme les rumeurs annonçant un armistice. Il ne leur prêta pas plus de crédit qu'à la propagande du début qui soutenait, par exemple, que les balles boches étaient tellement molles qu'elles s'écrasaient comme des poires blettes sur les uniformes, faisant hurler de rire les régiments 

français. En quatre ans, Albert en avait vu un paquet, des types morts de rire en recevant une balle allemande. 

Il s'en rendait bien compte, son refus de croire à l'approche d'un armistice tenait surtout de la magie: plus on espère la paix, moins on donne de crédit aux nouvelles qui l'annoncent, manière de conjurer le mauvais sort. Sauf que, jour après jour, ces informations arrivèrent par vagues de plus en plus serrées et que, de partout, on se mit à répéter que la guerre allait vraiment prendre fin. On lut même des discours, c'était à peine croyable, sur la nécessité de démobiliser les soldats les plus vieux qui se traînaient sur le front depuis des années. Quand l'armistice devint enfin une perspective raisonnable, l'espoir d'en sortir vivant commença à tarauder les plus pessimistes. En conséquence de quoi, question offensive, plus personne ne fut très chaud. On disait que la 163e DI allait tenter de passer en force de l'autre côté de la Meuse. Quelques-uns parlaient encore d'en découdre avec l'ennemi, mais globalement, vu d'en bas, du côté d'Albert et de ses camarades, depuis la victoire des Alliés dans les Flandres, la libération de Lille, la déroute autrichienne et la capitulation des Turcs, on se sentait beaucoup moins frénétique que les officiers. La réussite de l'offensive italienne, les Anglais à Tournai, les Américains à Châtillon... on voyait qu'on tenait le bon bout. Le gros de l'unité 

se mit à jouer la montre et on discerna une ligne de partage très nette entre ceux qui, comme Albert, auraient volontiers attendu la fin de la guerre, assis là tranquillement avec le barda, à fumer et à écrire des lettres, et ceux qui grillaient de profiter des derniers jours pour s'étriper encore un peu avec les Boches. 

Cette ligne de démarcation correspondait exactement à celle qui séparait les officiers de tous les autres hommes. Rien de nouveau, se disait Albert. Les chefs veulent gagner le plus de terrain possible, histoire de se présenter en position de force à la table des négociations. Pour un peu, ils vous soutiendraient que conquérir trente mètres peut réellement changer l'issue du conflit et que mourir aujourd'hui est encore plus utile que mourir la veille. 

C'est à cette catégorie qu'appartenait le lieutenant d'Aulnay-Pradelle. Tout le monde, en parlant de lui, laissait tomber le prénom, la particule, le "Aulnay", le tiret et disait simplement "Pradelle", on savait que ça le foutait en pétard. On jouait sur du velours parce qu'il mettait un point d'honneur à ne jamais le montrer. Réflexe de classe. Albert ne l'aimait pas. Peut-être parce qu'il était beau. Un type grand, mince, élégant, avec beaucoup de cheveux ondulés d'un brun profond, un nez droit, des lèvres fines admirablement dessinées. Et des 

yeux d'un bleu foncé. Pour Albert, une vraie gueule d'empeigne. Avec ça, l'air toujours en colère. Un gars du genre impatient, qui n'avait pas de vitesse de croisière: il accélérait ou il freinait; entre les deux, rien. Il avançait avec une épaule en avant comme s'il voulait pousser les meubles, il arrivait sur vous à toute vitesse et il s'asseyait brusquement, c'était son rythme ordinaire. C'était même curieux, ce mélange: avec son allure aristocratique, il semblait à la fois terriblement civilisé et foncièrement brutal. Un peu à l'image de cette guerre. C'est peut-être pour cela qu'il s'y trouvait aussi bien. Avec ça, une de ces carrures, l'aviron, sans doute, le tennis. 

Ce qu'Albert n'aimait pas non plus, c'étaient ses poils. Des poils noirs, partout, jusque sur les phalanges, avec des touffes qui sortaient du col juste en dessous de la pomme d'Adam. En temps de paix, il devait sûrement se raser plusieurs fois par jour pour ne pas avoir l'air louche. Il y avait certainement des femmes à qui ça faisait de l'effet, tous ces poils, ce côté mâle, farouche, viril, vaguement espagnol. Rien que Cécile... Enfin, même sans parler de Cécile, Albert ne pouvait pas le blairer, le lieutenant Pradelle. Et surtout, il s'en méfiait. Parce qu'il aimait charger. Monter à l'assaut, attaquer, conquérir lui plaisaient vraiment. 

Depuis quelque temps, justement, il était encore moins fringant qu'à l'accoutumée. Visiblement, la perspective d'un armistice lui mettait le moral à zéro, le coupait dans son élan patriotique. L'idée de la fin de la guerre, le lieutenant Pradelle, ça le tuait. 

Il montrait des impatiences inquiétantes. Le manque d'entrain de la troupe l'embêtait beaucoup. Quand il arpentait les boyaux et s'adressait aux hommes, il avait beau mettre dans ses propos tout l'enthousiasme dont il était capable, évoquer l'écrasement de l'ennemi auquel une dernière giclée donnerait le coup de grâce, il n'obtenait guère que des bougonnements assez flous, les types opinaient prudemment du bonnet en piquant du nez sur leurs godillots. Ce n'était pas seulement la crainte de mourir, c'était l'idée de mourir maintenant. Mourir le dernier, se disait Albert, c'est comme mourir le premier, rien de plus con. 

Or c'est exactement ce qui allait se passer. 

Alors que jusqu'ici, dans l'attente de l'armistice, on vivait des jours assez tranquilles, brusquement tout s'était emballé. Un ordre était tombé d'en haut, exigeant qu'on aille surveiller de plus près ce que faisaient les Boches. Il n'était pourtant pas nécessaire d'être général pour se rendre compte qu'ils faisaient comme les Français, qu'ils 

attendaient la fin. Ça n'empêche, il fallait y aller voir. À partir de là, plus personne ne parvint à reconstituer exactement l'enchaînement des événements. 

Pour remplir cette mission de reconnaissance, le lieutenant Pradelle choisit Louis Thérieux et Gaston Grisonnier, difficile de dire pourquoi, un jeune et un vieux, peut-être l'alliance de la vigueur et de l'expérience. En tout cas, des qualités inutiles parce que tous deux survécurent moins d'une demi-heure à leur désignation. Normalement, ils n'avaient pas à s'avancer très loin. Ils devaient longer une ligne nord-est, sur, quoi, deux cents mètres, donner quelques coups de cisaille, ramper ensuite jusqu'à la seconde rangée de barbelés, jeter un oeil et s'en revenir en disant que tout allait bien, vu qu'on était certain qu'il n'y avait rien à voir. Les deux soldats n'étaient d'ailleurs pas inquiets d'approcher ainsi de l'ennemi. Vu le statu quo des derniers jours, même s'ils les apercevaient, les Boches les laisseraient regarder et s'en retourner, ça serait comme une sorte de distraction. Sauf qu'au moment où ils avançaient, courbés le plus bas possible, les deux observateurs se firent tirer comme des lapins. Il y eut le bruit des balles, trois, puis un grand silence; pour l'ennemi, l'affaire était réglée. On essaya aussitôt de les voir, mais comme ils étaient partis côté nord, on ne repérait pas l'endroit où ils étaient tombés. 

Autour d'Albert, tout le monde en eut le souffle coupé. Puis il y eut des cris. Salauds. Les Boches sont bien toujours pareils, quelle sale engeance! Des barbares, etc. En plus, un jeune et un vieux! Ça ne changeait rien, mais dans l'esprit de tous, les Boches ne s'étaient pas contentés de tuer deux soldats français, avec eux, ils avaient abattu deux emblèmes. Bref, une vraie fureur. 

Dans les minutes qui suivirent, avec une promptitude dont on les savait à peine capables, depuis l'arrière, les artilleurs balancèrent des giclées de 75 sur les lignes allemandes, à se demander comment ils avaient été informés. 

Après, l'engrenage. 

Les Allemands répliquèrent. Côté français, il ne fallut pas longtemps pour rassembler tout le monde. On allait leur régler leur compte, à ces cons-là. C'était le 2 novembre 1918. On ne le savait pas encore, on était à moins de dix jours de la fin de la guerre. 

Et attaquer le jour des Morts, en plus. On a beau ne pas trop s'attacher aux symboles... 

Et nous voilà de nouveau harnachés, pensa Albert, prêts à escalader les échafauds (c'est comme ça qu'on appelait les échelles utilisées pour sortir de la tranchée, vous parlez d'une perspective) et à 

foncer la tête la première vers les lignes ennemies. Tous les gars, en file indienne, tendus comme des arcs, peinaient à avaler leur salive. Albert était en troisième position, derrière Berry et le jeune Péricourt qui se retourna, comme pour vérifier que tout le monde était bien là. Leurs regards se croisèrent, Péricourt lui sourit, un sourire d'enfant qui s'apprête à faire une bonne blague. Albert tenta de sourire à son tour mais il n'y parvint pas. Péricourt revint à sa position. On attendait l'ordre d'attaquer, la fébrilité était presque palpable. Les soldats français, scandalisés par la conduite des Boches, étaient maintenant concentrés sur leur fureur. Au-dessus d'eux, les obus striaient le ciel dans les deux sens et secouaient la terre jusque dans les boyaux. 

Albert regarda par-dessus l'épaule de Berry. Le lieutenant Pradelle, monté sur un petit avant-poste, scrutait les lignes ennemies à la jumelle. Albert reprit sa position dans la file. S'il n'y avait pas eu autant de bruit, il aurait pu réfléchir à ce qui le tracassait, mais les sifflements suraigus se succédaient, interrompus par des explosions qui vous faisaient trembler de la tête aux pieds. Allez vous concentrer, dans ces conditions-là. 

Pour le moment, les gars sont dans l'attente de l'ordre d'attaquer. L'occasion n'est donc pas mauvaise pour observer Albert. 

Albert Maillard. C'était un garçon mince, de tempérament légèrement lymphatique, discret. Il parlait peu, il s'entendait bien avec les chiffres. Avant la guerre, il était caissier dans une filiale de la Banque de l'Union parisienne. Le travail ne lui plaisait pas beaucoup, il y était resté à cause de sa mère. Mme Maillard n'avait qu'un fils et elle adorait les chefs. Alors bien sûr, Albert chef d'une banque, vous parlez, elle avait été immédiatement enthousiaste, convaincue qu'"avec son intelligence" il ne tarderait pas à se hisser au sommet. Ce goût exacerbé pour l'autorité lui venait de son père, adjoint au sous-chef de bureau au ministère des Postes, qui concevait la hiérarchie de son administration comme une métaphore de l'univers. Mme Maillard aimait tous les chefs, sans exception. Elle n'était pas regardante sur leur qualité ni sur leur provenance. Elle avait des photos de Clemenceau, de Maurras, de Poincaré, de Jaurès, de Joffre, de Briand... Depuis qu'elle avait perdu son mari qui commandait une escouade de surveillants en uniforme au musée du Louvre, les grands hommes lui procuraient des sensations inouïes. Albert n'était pas chaud pour la banque, mais il l'avait laissée dire, avec sa mère c'est encore ce qui marchait le mieux. Il avait quand même commencé à tirer ses plans. Il voulait partir, il avait des envies de Tonkin, assez vagues, il est vrai. En tout cas, quitter son emploi de 

comptable, faire autre chose. Mais Albert n'était pas un type rapide, tout lui demandait du temps. Et très vite, il y avait eu Cécile, la passion tout de suite, les yeux de Cécile, la bouche de Cécile, le sourire de Cécile, et puis forcément, après, les seins de Cécile, le cul de Cécile, comment voulez-vous penser à autre chose. 

Pour nous, aujourd'hui, Albert Maillard ne semble pas très grand, un mètre soixante-treize, mais pour son époque, c'était bien. Les filles l'avaient regardé autrefois. Cécile surtout. Enfin... Albert avait beaucoup regardé Cécile et, au bout d'un moment, à force d'être fixée comme ça, presque tout le temps, bien sûr, elle s'était aperçue qu'il existait et elle l'avait regardé à son tour. Il avait un visage attendrissant. Une balle lui avait éraflé la tempe droite pendant la Somme. Il avait eu très peur, mais en avait été quitte pour une cicatrice en forme de parenthèse qui lui tirait légèrement l'oeil de côté et qui lui donnait un genre. À sa permission suivante, Cécile, rêveuse et charmée, l'avait caressée du bout de l'index, ce qui n'avait pas arrangé son moral. Enfant, Albert avait un petit visage pâle, presque rond, avec des paupières lourdes qui lui donnaient un air de Pierrot triste. Mme Maillard se privait de manger pour lui donner de la viande rouge, persuadée qu'il était blanc parce qu'il manquait de sang. Albert avait eu beau lui expliquer mille fois que ça n'avait rien à 

voir, sa mère n'était pas du genre à changer d'avis comme ça, elle trouvait toujours des exemples, des raisons, elle avait horreur d'avoir tort, même dans ses lettres elle revenait sur des choses qui remontaient à des années, c'était vraiment pénible. À se demander si ce n'était pas pour ça qu'Albert s'était engagé dès le début de la guerre. Quand elle l'avait appris, Mme Maillard avait poussé les hauts cris, mais c'était une femme tellement démonstrative qu'il était impossible de démêler chez elle ce qui relevait de la frayeur et du théâtre. Elle avait hurlé, s'était arraché les cheveux, et s'était vite ressaisie. Comme elle avait une conception assez classique de la guerre, elle avait été rapidement convaincue qu'Albert, "avec son intelligence", ne tarderait pas à briller, à monter en grade, elle le voyait partir à l'assaut, en première ligne. Dans son esprit, il effectuait une action héroïque, il devenait aussitôt officier, capitaine, commandant, ou davantage, général, ce sont des choses qu'on voit à la guerre. Albert avait laissé dire en préparant sa valise. 

Avec Cécile, ce fut très différent. La guerre ne l'effrayait pas. D'abord, c'était un "devoir patriotique" (Albert fut surpris, il ne l'avait jamais entendue prononcer ces mots-là), ensuite, il n'y avait pas vraiment de raison d'avoir peur, c'était quasiment une formalité. Tout le monde le disait. 

Albert, lui, avait un petit doute, mais Cécile était un peu comme Mme Maillard finalement, elle avait des idées assez fixes. A l'écouter, la guerre ne ferait pas long feu. Albert n'était pas loin de la croire; quoi qu'elle dise, Cécile, avec ces mains, avec cette bouche, avec tout ça, à Albert, elle pouvait lui dire n'importe quoi. On ne peut pas comprendre si on ne la connaît pas, pensait Albert. Pour nous, cette Cécile, ce serait une jolie fille, rien de plus. Pour lui, c'était tout autre chose. Chaque pore de sa peau, à Cécile, était constitué d'une molécule spéciale, son haleine avait un parfum spécial. Elle avait les yeux bleus, bon, à vous, ça ne vous dit rien, mais pour Albert, ces yeux-là, c'était un gouffre, un précipice. Tenez, prenez sa bouche et mettez-vous un instant à sa place, à notre Albert. De cette bouche, il avait reçu des baisers si chauds et tendres, qui lui soulevaient le ventre, à exploser, il avait senti sa salive couler en lui, il l'avait bue avec tant de passion, elle avait été capable de tels prodiges que Cécile n'était pas seulement Cécile. C'était... Alors, du coup, elle pouvait soutenir que la guerre, on n'en ferait qu'une bouchée, Albert avait tellement rêvé d'être une bouchée pour Cécile... 

Aujourd'hui, évidemment, il jugeait les choses assez différemment. Il savait que la guerre n'était rien d'autre qu'une immense loterie à balles réelles 

dans laquelle survivre quatre ans tenait fondamentalement du miracle. 

Et finir enterré vivant à quelques encablures de la fin de la guerre, franchement, ce serait vraiment la cerise. 

Pourtant, c'est exactement ce qui va arriver. 

Enterré vivant, le petit Albert. 

La faute à "pas de chance", dirait sa mère. 

Le lieutenant Pradelle s'est retourné vers sa troupe, son regard s'est planté dans celui des premiers hommes qui, à sa droite et à sa gauche, le fixent comme s'il était le Messie. Il a hoché la tête et pris sa respiration. 

Quelques minutes plus tard, légèrement voûté, Albert court dans un décor de fin du monde, noyé sous les obus et les balles sifflantes, en serrant son arme de toutes ses forces, le pas lourd, la tête rentrée dans les épaules. La terre est épaisse sous les godillots parce qu'il a beaucoup plu ces jours-ci. À ses côtés, des types hurlent comme des fous, pour s'enivrer, pour se donner du courage. D'autres, au contraire, avancent comme lui, concentrés, le ventre noué, la gorge sèche. Tous se ruent vers l'ennemi, armés d'une colère définitive, d'un désir de vengeance. En fait, c'est peut-être un 

effet pervers de l'annonce d'un armistice. Ils en ont subi tant et tant que voir cette guerre se terminer comme ça, avec autant de copains morts et autant d'ennemis vivants, on a presque envie d'un massacre, d'en finir une fois pour toutes. On saignerait n'importe qui. 

Même Albert, terrorisé par l'idée de mourir, étriperait le premier venu. Or, il y a eu pas mal d'obstacles; en courant, il a dû dériver sur la droite. Au début, il a suivi la ligne fixée par le lieutenant, mais avec les balles sifflantes, les obus, on zigzague, forcément. D'autant que Péricourt qui avançait juste devant lui vient de se faire faucher par une balle et s'est écroulé quasiment dans ses pattes, Albert n'a eu que le temps de sauter par-dessus. Il perd l'équilibre, court plusieurs mètres sur son élan et tombe sur le corps du vieux Grisonnier, dont la mort, inattendue, a donné le signal de départ à cette ultime hécatombe. 

Malgré les balles qui sifflent tout autour de lui, en le voyant allongé là, Albert s'arrête tout net. 

C'est sa capote qu'il reconnaît parce qu'il portait toujours ce truc à la boutonnière, rouge, ma "légion d'horreur", disait-il. Ce n'était pas un esprit fin, Grisonnier. Pas délicat, mais brave type, tout le monde l'aimait bien. C'est lui, pas de doute. Sa grosse tête s'est comme incrustée dans la boue et le 

reste du corps a l'air d'être tombé tout en désordre. Juste à côté, il reconnaît le plus jeune, Louis Thérieux. Lui aussi est en partie recouvert de boue, recroquevillé, un peu dans la position du foetus. C'est touchant, mourir à cet âge-là, dans une attitude pareille... 

Albert ne sait pas ce qui lui prend, une intuition, il attrape l'épaule du vieux et le pousse. Le mort bascule lourdement et se couche sur le ventre. Il lui faut quelques secondes pour réaliser, à Albert. Puis la vérité lui saute au visage: quand on avance vers l'ennemi, on ne meurt pas de deux balles dans le dos. 

Il enjambe le cadavre et fait quelques pas, toujours baissé, on ne sait pas pourquoi, les balles vous attrapent aussi bien debout que courbé, mais c'est un réflexe d'offrir le moins de prise possible, comme si on faisait tout le temps la guerre dans la crainte du ciel. Le voici devant le corps du petit Louis. Il a serré ses poings près de sa bouche, comme ça, c'est fou ce qu'il a l'air jeune, quoi, vingt-deux ans. "

Goncourt 2013

 

le suspense a été levé aujourd'hui à 12h45 chez Drouant.

quatre finalistes étaient en lice pour le prix littéraire français le plus convoité, consécration suprême et jackpot pour le lauréat et son éditeur, avec 400.000 ventes à la clé pour le roman barré du célèbre bandeau rouge.

sur la ligne de départ du Goncourt 2013, attribué par un jury présidé par Edmonde Charles-Roux, 93 ans, trois hommes et une femme : Pierre Lemaitre, avec "Au revoir là-haut" (Albin Michel), Jean-Philippe Toussaint avec "Nue" (Minuit), Karine Tuil avec "L'invention de nos vies" (Grasset) et Frédéric Verger, avec un premier roman, "Arden" (Gallimard).

parmi les grands favoris, le roman picaresque de Pierre Lemaitre, fiction haletante sur des démobilisés de la Grande Guerre abandonnés par la patrie ingrate qui montent une arnaque aussi spectaculaire qu'amorale a eu le prix Goncourt.

première incursion hors du polar de cet auteur de 62 ans, ce roman est le seul à avoir également captivé les jurés du Renaudot, du Femina et de l'Interallié. 

après un Goncourt 2012 exigeant ("Le sermon sur la chute de Rome" de Jérôme Ferrari), la consécration de "Au revoir là-haut" de Pierre Lemaitre récompense un livre à la fois populaire et ambitieux qui figure dans les meilleures ventes. et Albin Michel, son heureux éditeur qui en a déjà tiré 100.000 exemplaires, n'avait pas décroché le Goncourt depuis 2003.

Au revoir là-haut

de son côté, Yann Moix remporte le prix Renaudot pour "Naissance"...

 

03 novembre 2013

en vie

hier, aujourd'hui, demain, à l'est, au sud, ouest, nord, en haut ou en bas, totalement ou à moitié, seule ou à plusieurs, vivre, juste vivre...

la mia bambina

elle est là avec sa sourire de grande fille, ses bagages et son sac de casse-croûte.

il y a deux mois, elle aurait eu hâte de monter dans le train, là, elle attend le dernier moment, m'embrasse, me regarde, m'embrasse encore. elle n'a plus envie de partir. elle voudrait rester encore un peu. profiter de la chaleur du foyer.

l'heure sonne enfin, sifflet du contrôleur, il faut y aller.

alors les larmes coulent, les sanglots grossissent et l'émotion fleurit.

pas facile de devenir une grande fille.

pas facile de la laisser partir ainsi...

22:32 Publié dans lamiendo | Lien permanent | Commentaires (7)

02 novembre 2013

SAS orphelin...

d'aucuns diraient qu'il y a littérature et littérature, que livre ne veut pas forcément dire ouvrage et qu'on ne peut mélanger torchons et serviettes.

soit.

moi je réponds que lire, c'est lire et que la liberté consiste justement à aimer ce qu'on lit, à lire ce qu'on aime sans écouter la bienséance culturelle et parfois imposante qui nous demande de se ressembler tous en bien pensants mondains...

Gérard de Villiers écrivait des romans d'espionnage où le vocabulaire n'était pas "soutenu" et où le héros Malko Linge emportait ses lecteurs dans des pays lointains, dans des aventures épicées.

il avait 83 ans et venait de publier son 200e SAS : "la vengeance du Kremlin"... 

franchement, moi, je tire mon chapeau. on connait ce monde de l'édition (enfin moi oui) difficile et incertain. il avait réussi à fidéliser ses lecteurs et à se renouveler à chacun de ses titres, chacune des aventures de Malko et ce n'est pas si évident...

le voisin

il a garé sa voiture dans la rue, juste devant sa porte et en est sorti souplement. alors qu'il veut ouvrir la portière arrière pour décharger les affaires stockées à l'arrière, il s'arrête.

elle arrive dans la rue.

il ne bouge plus, la regarde.

elle se concentre pour avoir l'air absent, lutte pour ne pas rester fixée à son regard. mais au dedans, comme la première fois, l'uppercut lui a coupé le souffle.

il sourit.

- bonjour !

- bonjour !

elle répond, évasive. elle pense qu'elle est bien contente de le revoir, qu'il est vraiment charmant qu'elle espère que les anges seront cléments un jour, qu'il va falloir qu'il revienne plus souvent, que c'est la première fois qu'ils se font vraiment face comme ça...

elle lui sourit enfin et rentre chez elle.

elle préfère se dire qu'elle s'en fout.

ESS

novembre, c'est le mois de l'ESS.

ah ah, vous vous dîtes, mais qu'est-ce donc que l'ESS...

pas compliqué, enfin, je crois, c'est l'économie sociale et solidaire... où comment gérer son argent pour ne pas thésauriser mais faire profiter des bénéfices engendrés aux membres de la société dans laquelle on vit.

on pourrait parler d'attention et de respect. pas de profit ni de capitalisation.

ça vaut le coup de prendre quelques instants pour y réfléchir.

que chacun ait une place sur cette Terre, c'est ma devise. dans quelque sens qu'on veuille l'entendre...

Le Mois de l'ESS