14 janvier 2017
poings et pieds liés
je ne sais plus comment c'est arrivé, comment j'en suis arrivée, là.
je l'aime bien, mon gosse, pourtant.
mais je ne sais pas assumée. ma mère m'a souvent répété que je n'étais qu'une godiche, elle me surnommais "Oneba, l'idiote".
oui, je me nomme Oneba, et je suis le cinquième enfant d'une famille d'agriculteurs ivoriens, mes parents n'ont jamais passé beaucoup de temps avec nous, on a grandi par nos propres moyens, on a poussé à l'air libre, comme on n'a pu. je ne sais pas ce que c'est qu'éduquer un enfant, je ne sais pas ce que c'est qu'être mère.
mais je voulais étudier. ça, je me l'étais jurée. oh, pas devenir énarque, ni avocate, mais avoir un diplôme, un vrai et trouver un travail respectueux.
c'est pourquoi je rêvais de venir en France. pour nous, en Côte d'Ivoire, la France c'est l'Eldorado. j'allais chaque jour à l'école et je travaillais dans un coin, le soir, pour faire tous mes devoirs. j'étais une élève sage, courageuse. pas très futée, mais travailleuse.
je ne sais plus vraiment, ou je refuse de savoir, comment j'ai laissé Cauphy m'approcher, alors que je serrais les dents pour réviser mon bac, mais il m'a mise dans son lit et il m'a engrossée.
enceinte, pleine, et mon rêve qui s'envolait. j'allais avoir dix-huit ans.
David, c'est un enfant facile, comme s'il avait toujours senti qu'il ne fallait pas me déranger, il s'est toujours adapté à tout, il ne pleure jamais, il ne demande rien.
je ne sais plus comment c'est arrivé, mais Kevin l'a trouvé "empoté" dès les premiers jours. il n'est pas empoté mon gosse, il est juste réservé, il n'ose pas, il ne dit rien, il s'adapte, il accepte, il ne demande rien.
Kévin, je l'ai connu quand j'ai enfin pu venir en France. mes grands-parents m'ont gardé David pendant que je bossais dans un bar en travaillant mes cours.
je m'en sortais comme je pouvais, Cauphy s'est vite fait la malle, avoir un gamin ce n'était pas pour lui, merci, au revoir.
mais j'ai réussi, et avec David dans mes bagages, je suis venue en France.
je voulais juste un homme, qui m'aime, me respecte et me permette de rester vivre là.
je ne voulais pas ce qui est arrivé. je ne suis vraiment qu'"Oneba, l'idiote".
Un petit garçon, âgé de 8 ans, a été retrouvé mort dans une baignoire à Saint-Herblain (Loire-Atlantique) mercredi 11 janvier. La mère de la jeune victime et son compagnon, soupçonnés de l'avoir torturé et tué. Depuis plusieurs mois, l'enfant aurait, "de manière régulière, fait l'objet de sévices très appuyés, de coups et à certaines occasions était entravé par des liens", a-t-on indiqué de même source. Le jour du drame, l'enfant aurait été à nouveau puni et frappé avant de devoir supporter "la punition de la baignoire", emplie d'eau froide. Il aurait été entravé aux chevilles et aux poignets avec des liens, retrouvés ensuite dans l'appartement. Né en Côte d'Ivoire et élevé par sa grand-mère, David avait rejoint sa mère en France fin août dernier. Âgée de 26 ans, celle-ci était venue en France en 2008 pour poursuivre des études de droit. Elle était actuellement femme au foyer. Âgé de 31 ans, son compagnon travaillait comme ouvrier au moment des faits.
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11 octobre 2016
la couverture jaune
il vit là, sur une couverture jaune allongée à même le sol, au dessus de la bouche d'aération, devant un petit hôtel presque familial, il vit là livré au regard des passants, aucune intimité pour se mettre à l'abri des regards, toute sa vie déballée sur ce trottoir froid.
il a des yeux doux, ses cheveux poivre et sel sont coupés courts et sa barbe est bien entretenue, ses yeux coulent, il sort un paquet de feuilles de papier toilette soigneusement pliées les unes avec les autres, les unes sur les autres, les unes dans les autres, il en extrait une s'essuie les yeux lentement ses mains tremblent et puis il replie le reste des feuilles en un même paquet soigné qui replace vite à l'intérieur de son veston, poche précieuse de tout ce qui est vitale. et le papier toilette est vital.
sur sa couverture une bouteille de vin pas encore ouverte c'est le matin peut-être attendra-t-il un peu avant de la déboucher et tout le monde pourra commenter sur son besoin d'alcool lui qui est livré au regard des passants alors que tant d'autres personnes boivent de l'alcool dès le matin mais cachés chez eux, à l'abri des regards scrutateurs, même parfois validés par leur fonction, des alcooliques mondains, des professions pressés et débordés qui boivent sans que personne n'ait rien à redire, alors que lui...
est-ce parce qu'il était déjà dépendant qu'il en est arrivé là ? est-ce d'en arriver là qui l'a rendu dépendant ?
vaste débat ce matin avec un collègue "alcoolique anonyme" et surtout vaste question que celle des gens qui vivent dehors à même le sol, comme des chiens.
je pense à mon fils, et je l'imagine un jour lointain où je ne serais plus en vie et où personne ne viendrait saisir sa main tendue. mon coeur se serre.
et les larmes coulent sur mes joues du désarroi de cette société.
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17 septembre 2016
vendanges 2
Cécile a 33 ans.
Elle a arrêté l'école tôt, est vendeuse dans une chouette boulangerie mais avec des patrons qui profitent de sa gentillesse. depuis un peu plus d'un an, elle a rencontré Alex qui été le colocataire du mec avec qui elle sortait à l'époque.
coup de foudre.
ils vivent ensemble à présent.
quand elle était plus jeune, elle a passé un concours pour entrer dans la police car son père est flic.
premier grade, avant garde champêtre. elle a réussi. elle a un poste, qui désormais n'existe plus, où elle bossait comme un garde champêtre mais était moins payée.
pendant deux ans, elle a vécu au milieu de flics "ripoux". souvent, on entend "ne généralisons pas, il y en a des biens, c'est comme partout...", sauf que là, Cécile l'affirme : ils sont tous corrompus, et ceux qui résistent se font emmerdés et finissent par craquer.
de nombreuses fois ses "collègues" et supérieurs, de fait puisqu'elle avait un grade en dessous de tout, l'ont coincée dans un coin pour tenter de la peloter, ou lui faisaient des réflexions déplacées.
elle a vu des fllics arrêter des jeunes qui avaient du shit sur eux, les verbaliser, confisquer leur came et se cacher dans un parc pour fumer leur butin. elle a vu tant de choses qui l'ont choquée qu'elle a démissionné.
elle s'est retrouvé sans rien, mais elle a préféré. pour elle, être flic ce n'était pas ça. elle n'a pas supporté.
aujourd'hui elle est vendeuse dans une boulangerie.
comme quoi, tout le monde a le choix de ne pas faire un boulot où on passe son temps à emmerder les gens sans les protéger. même une petite nana sans ressources mais intelligente !
je suis contente de l'avoir rencontrée..
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12 septembre 2016
vendanges
Richard a 60 ans, c'est un ancien toxico qui fume encore des joints. de ces années "folles" de sa jeunesse il en garde un stigmate à vie : le sida.
ce fils de gendarme a tout remis en question, l'autorité, la société, le travail, le lien avec les autres..
il aime la même femme depuis 35 ans, a une seule fille et a vécu tant de choses qu'il raconte raconte raconte..
j'ai croisé son regard clair au milieu d'un visage à la peau burinée au-dessus des ceps de vigne, sous un beau soleil.
je me nourris de ses histoires, de sa personnalité, de tout ce qu'il m'apprend et je ne peux m'empêcher de penser que l'humain est un réservoir de découvertes, de ressentis, tellement passionnants, je ne m'en lasse pas.
je savoure toutes ces occasions qui me sont données de rencontrer des gens, différents, uniques, riches, de les écouter, de comprendre un peu le fonctionnement de l'Homme.
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28 août 2016
mes deux filles
mes filles sont belles, je me dis depuis plusieurs jours.
au dedans.
au dehors.
leur force, leur caractère, leurs idées, leur vision du monde.
leur courage, leur sourire, leur tendresse, leur rage.
depuis toujours, être leur mère est une incroyable aventure, pleine de surprises, d'émotions, de coups au coeur, de sourires béats.
mes filles sont belles.
huile de William-Adolphe Bouguereau, 1901
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16 août 2016
baiser d'amour, éveil des sens
"Le bon vieillard voulut l'en empêcher, mais il eut beau faire, le prince ne l'écouta pas. Or, les cent années étaient justement écoulées et le jour était venu où la Belle au bois dormant devait se réveiller. Lorsque le fils du roi s'approcha de la haie d'épines, il vit de magnifiques fleurs qui s'écartaient d'elles-mêmes sur son passage et lui laissaient le chemin. Derrière lui, elles reformaient une haie. Dans le château, il vit les chevaux et les chiens de chasse tachetés qui dormaient. Sur le toit, les pigeons se tenaient la tête sous l'aile. Et lorsqu'il pénétra dans le palais, il vit les mouches qui dormaient contre les murs. Le cuisinier, dans la cuisine, avait encore la main levée comme s'il voulait attraper le marmiton et la bonne était assise devant une poule noire qu'elle allait plumer. En haut, sur les marches du trône, le roi et la reine étaient endormis. Le prince poursuivit son chemin et le silence était si profond qu'il entendait son propre souffle. Enfin, il arriva à la tour et poussa la porte de la petite chambre où dormait la Belle.
Elle était là, si jolie qu'il ne put en détourner le regard. Il se pencha sur elle et lui donna un baiser. Alors, la Belle au bois dormant s'éveilla, ouvrit les yeux et le regarda en souriant."
La Belle au bois dormant
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09 août 2016
Mon amour... Ce matin...
Mon amour... Ce matin...
les ombellifères sont accueillantes,
les pipistrelles sont somnolentes,
le petit chat mordille les pieds,
dans la cuisine l'odeur du café,
sur les ronces les mûres noires,
dans mon coeur un doux espoir
Mon amour... Ce Matin...
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08 août 2016
rêve partagé
"On ne peut pas tout partager, il faut s'aménager un jardin secret. En avançant dans la vie, on acquiert cette sagesse fondamentale qui vous indique les rêves qui sont à partager et ceux qui sont à garder secret."
L'Oeil du léopard - Henning Mankell
je veux aller au bout du bout, avec toi, mon homme délicat...
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07 août 2016
fantasmes
elle écrit en pensant à lui
elle ne sait pas qu'il existe
elle soupire en pensant à lui
elle ne sait pas comment il est
mais elle rêve de ses caresses
de sa chaleur de sa douceur de sa force de son sourire de ses mots de ses mains de son dos accueillant de ses yeux qui brillent de ses désirs de ses envies
elle ne sait pas qu'il existe
et pourtant...
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22 juillet 2016
eternamento
elle le regarde dormir, grand oiseau aux ailes repliées, grand corps fin aux allures de prince.
elle a quatorze, lui presque dix-huit, elle dort à ses côtés mais l'instant d'avant il la serrait contre lui, il lui disait des mots rares, des mots qui n'appartiennent qu'à eux. il pose ses mains sur son corps, petite femme, et elle sait.
elle le regarde dormir et elle a l'impression d'avoir attendu tant d'années avant de le croiser enfin.
il est venu la chercher avec sa mobylette, il portait la veste de costume de son père et elle, des baskets colorés. ils ont filé à travers la ville, libres, heureux, profondément heureux. ils ont roulé jusqu'à la mer... la Lune était pleine. il l'a couchée sur le sable, il l'a embrassée.
elle a quatorze ans, lui presque dix-huit et rien ne sera plus jamais pareil...
01:05 Publié dans un peu de moi | Lien permanent | Commentaires (0)
14 juin 2016
endormie
c'est un moment particulier, elle ne bouge pas, elle est endormie, elle respire doucement, le vent frais entre par la fenêtre entr'ouverte, déjà quelques oiseaux gazouillent, et les géraniums trônent fièrement sur la balcon, ils sont heureux d'avoir survécu à un drôle d'hiver, d'être encore là, tâches de couleur dans ce paysage matinal, dehors la vie reste assoupie, bientôt tout va réveiller, elle va se réveiller, mais pour le moment il est seul debout à la regarder, seul à assister à cette scène, sa belle dormeuse glissée sous un drap blanc, une épaule qui dépasse, un de ses pieds qui joue les indisciplinés et s'extrait du matelas, il est là seul et il se dit qu'il voudrait que cela dure, que cela ne cesse pas, que cette douceur, cette fragilité-là ne décident pas de lui faire faux-bond un matin d'orage, il se penche, respire l'odeur de son cou, cette peau laiteuse mollement affalée sur le lit, il passe délicatement son nez derrière son oreille, il laisse le temps en suspens quelques minutes, il la regarde encore, elle gémit dans son sommeil, mais ne se réveille pas, il est temps pour lui de partir.
il dépose délicatement un baiser sur l'arrondi de son épaule.
c'est un moment particulier.
La Dormeuse - Tamara de Lempicka
21:54 Publié dans un peu de moi | Lien permanent | Commentaires (0)
03 juin 2016
petit poucet
c'est bête je n'ai plus de cailloux, j'aime bien ce jeu.
jeter des cailloux en cachette sur les gens qui passent. je vois bien leur tête quand le petit projectile leur tombe dessus. je ne m'en lasse pas. mon père me répète à chaque fois que ce n'est pas bien, que je vais avoir des ennuis et que je dois être respectueux. il fait des gros yeux tempête mais je sais qu'il ne m'arrivera rien.
maman a demandé : on s'arrête pour faire une pause ?
papa a répondu : oui.
je me suis dit : youpi, je vais pouvoir lancer des cailloux sur les passants.
encore une fois, mon père m'a grondé : ne refais plus jamais ça !
j'ai hoché la tête mais quand je me suis éloigné pour faire pipi, je n'avais qu'une idée en tête : ramasser quelques petites pierres.
je les glisserai dans la poche de mon pantalon et quand on roulera à nouveau, j'ouvrirai la vitre et je les jetterai.
j'aime bien ce jeu.
euh... est-ce que c'est par là que je suis passé ?
mais oui, pourtant, j'en suis certain, il y avait ce gros arbre et aussi ces branches par terre.
mais pourquoi il n'y a plus papa ni maman, ni même la voiture ?
je ne suis pas fou, ils étaient bien là il y a cinq minutes. est-ce qu'ils ont disparu ? c'est peut-être le monstre de la forêt qui les a emportés ? j'ai entendu dire qu'il y avait un ours méchant qui rôdait par ici.
c'est sûr, il a du les emporter.
il faut que je me cache, sinon il va venir me chercher aussi.
mon papa ! ma maman ! il faut que je les retrouve !
Yamato Tanooka, 7 ans, avait disparu samedi soir sur l’île d’Hokkaido, au nord du Japon. Il avait été laissé sur le bord de la route par ses parents en guise de punition, car il jetait des cailloux sur les passants. Durant 5 jours, le petit garçon a bu de l'eau mais n'a rien mangé. il avait faim et il avait une température corporelle bien basse mais il était sain et sauf.
09:13 Publié dans un peu de moi | Lien permanent | Commentaires (0)
21 mai 2016
la femme de l'ambassadeur
elle n'ouvre la bouche que pour acquiescer, boire une gorgée de café, mieux écouter.
la femme parle, parle, parle. son flot de paroles est fluide, tellement riche. elle parle du Nigéria, de Légos, de la Hongrie, Séville, Vienne, Haiti, la Lybie, Israël, de la politique, les élections demain à Vienne qui s'avèrent dangereuses, des concepts humanitaires, l'eugénisme, la transhumanité, de la Silicone Valley, GAFA, Hilary Clinton, Donald Trump, le CRISPR-Cas9, le trafic d'enfants, de sexualité, de Xaviera Hollander, de films à voir, de livres à lire, des années 70, 80 ou 90, des articles qu'elle a écrits.
elle est fascinée. la femme est journaliste. Le Monde, Libération, L'Evènement du Jeudi...
elle a connue la femme à Vienne, en Autriche. elle avait eu un coup de foudre, une nuit entière passée à parler, à écouter, à partager, à rire.
depuis, elles se revoient. et toujours ces moments sans heures, où elle peut lancer la femme sur de multiples sujets, et écouter.
elle se demande comment on peut vivre une vie aussi chargée, aussi palpitante, retenir autant de choses depuis tellement d'années, la vie des gens qu'elle peut raconter avec tant de détails, tant de gens, de personnalités, d'histoires. avoir été dans tant d'endroits, le faire encore et encore, comprendre toutes les politiques, toutes les civilisations, les périodes de l'Histoire...
la femme est imbibée de tous ces souvenirs qui sont si entiers, si réels.
elle se dit que tant de gens vivent des vies fades. que c'en est même dingue !
la femme est passionnée, humble, inquiète mais consciente. elle ne côtoie que des gens comme elle. elle a vu tant et tant. elle a vécu tant et tant. rien n'est insipide dans ce qu'elle raconte. rien, rien, rien. et parfois un éclat de rire qu'elles partagent, soulagées de pouvoir être aussi légères. après les mots nobles, les mots crus.
elle se dit que la femme ne doit jamais disparaître.
18:59 Publié dans un peu de moi | Lien permanent | Commentaires (0)
07 mai 2016
un nouveau monde
le corps est grand, très grand, équilibré, dosé.
la peau est lisse, douce.
l'odeur est subtile, raffinée, poudreuse.
les yeux sont bleus.
le sourire charmant.
l'humour est pertinent, vif, irresistible.
des mains ne sort aucune promesse.
des lèvres ne sort aucun reproche.
si on fait le tour, on ne trouve pas de cordage, pas de chaîne, pas de lien.
pas de ronces blessantes.
pas de pulvérisation de poison destructeur.
dans le lointain le ciel est clair, immense, sans nuages.
venir, partir, revenir, repartir.
pas de passeport, de visa, de douanes.
pas de frontières, de territoires limités.
un univers à explorer, à l'infini, sans lassitude.
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07 avril 2016
profession de foi
peu importe que je ne sois pas jolie
tant pis si je ne suis pas polie
peu importe que je ne sois pas conforme
que je ne respecte pas les normes
je vais au bout de ce que j'entreprends
je respecte la vie et les gens
chaque jour, chaque jour
je reinvente le monde avec amour
pour que mes enfants soient heureux
et qu'ils aient confiance en eux
je ramasse les graines de douceur
que je peux trouver sur mon chemin
maintenant dans mon coeur
je cultive un petit jardin
je tiens debout malgré les tempêtes
et avance bille en tête
et quand la fatigue se fait sentir
je me dis que j'ai évité le pire
un seul remède pour guérir
respirer, continuer et sourire
03:18 Publié dans un peu de moi | Lien permanent | Commentaires (0)
02 avril 2016
le sens
un jour l'enfant est né.
les entrailles, l'enfant, la vie, le sang, le sens.
la vie a eu un sens.
et tous les autres sens ensuite.
et tous les autres signes après.
on pense qu'on n'aura plus froid, plus mal, plus peur.
parce que l'enfant est né.
et après l'autre enfant. et encore l'autre.
les sens après les sens.
une construction, un empilement.
un jour l'enfant naît et on devient bâtisseur.
pourtant on finit par oublier.
on oublie les sens. et les autres sens ensuite.
et les autres signes.
même si la vie a eu un sens.
et un jour le sens revient. la vie avec du sens, le sens de la vie.
on sait pourquoi.
pourquoi un jour l'enfant est né.
photo Carol Letanneur
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13 février 2016
dance floor
Jessica se trémousse sur la piste de danse et sa robe remonte sur ses cuisses. Il faut dire qu'elle a choisi volontairement de porter cette robe souple qui ressemble plus à un tube qu'à une robe, cette robe qui s'arrête au-dessus du genou si elle ne bouge pas mais remonte systématiquement sur ses cuisses dès qu'elle fait un pas.
Jessica a dix-sept et demi et elle s'est autorisée les escarpins à talons 14 cms qu'elle cache dans le fond de son armoire pour que sa mère ne les trouve pas.
elle trouve qu'elle ressemble à Cheryl Cole dont elle a vu les photos dans People.
c'est sûr que si Arthur la voyait ainsi, il en serait vert. ça lui apprendra à ce sale con de l'avoir larguée. "j'ai besoin de faire un break" qu'il lui a dit. il n'y pensait pas trop au "break" quand ils passaient toutes leurs après-midis dans sa chambre, au lieu d'aller en cours.
mais il va regretter ce con ! Jessica s'en veut. elle n'aurait pas du céder.
cet après-midi avec Laura, elles ont fait des essais dans la salle de bains, essais de tenue, essais de maquillage. pour ce soir, Laura a réussi à chiper à sa soeur ses escarpins couleur argentée, ça claque ! avec sa jupe tube aussi, gris clair, c'est assorti.
Laura est grande et voluptueuse. elle aussi a bien l'intention de rentrer avec un mec ce soir. elle en a assez d'être toujours la bonne copine. elle va leur montrer combien elle déchire.
le petit top qu'elle porte gonfle ses seins et elle dandine en avançant la poitrine, afin d'être bien certaine que les garçons la matent bien.
Jessica descend en écartant légèrement les jambes et en cambrant les reins. elle descend le long de la jambe du garçon qui s'est approché un peu plus près, comme s'il s'agissait d'un pole dance et remonte tout aussi langoureusement.
bientôt ils sont quatre, puis cinq.
elle agite sa chevelure épaisse, elle ondule des hanches, sa robe est remontée jusqu'en haut de ses cuisses, elle s'en moque, ce soir elle est la reine de la fête et Arthur n'est pas là.
Jessica a dix-sept ans et dans un coin de la salle il y a cette femme qui la regarde tristement en pensant à tous ces combats menés pour le respect de la femme, à ces manifestations contre la violence et la crasse des hommes à leur égard. en pensant qu'elle aimerait bien pouvoir lui expliquer à cette jeune fille qu'elle a certainement bien d'autres qualités qui pourraient lui permettre d'être aimée.
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25 novembre 2015
violence
Joanna regardait Dylan en souriant.
- Je suis bien content que tu aies accepté mon invitation à aller au restaurant, ce soir.
- D'ordinaire c'est toujours moi qui choisis les hommes qui me plaisent. C'est la première fois que je me laisse faire.
Dylan n'en revenait pas. Cette fille était très belle, très sensuelle, pulpeuse à souhait avec un côté très sauvage, presque masculin. Tellement intelligente aussi.
Ca faisait deux heures qu'ils discutaient, passant d'un sujet à un autre, sans temps mort, culture, politique, sport... Philosophie aussi. Même ils avaient abordé la psychologie.
Quand il l'avait ramenée, jusqu'à sa voiture elle avait murmuré "et si je venais chez toi ?"
Il n'avait pas su résister.
Mais il s'était juré de ne "rien faire" avec elle. Il n'était pas ce genre d'hommes. Lui, il voulait une vraie histoire, une histoire d'amour qui dure sur le long, très long terme avec des enfants pour parsemer cette histoire-là.
Il ne voulait pas d'un plan Q, il était près à patienter pour que ça marche entre Joanna et lui.
Elle était venue 3 jours avant, pour la première fois à son cours de boxe, parce qu'un ami lui en avait parlé.
Elle était restée juste scotchée par la forte puissante de ce jeune prof. Dylan était réellement très puissant. Fort. Sans peur.
Elle l'avait abordée sans gène à la fin du cours et Dylan avait demandé son numéro pour avoir le plaisir de revoir ses yeux sombres si brillants d'envie.
Joanna ne lui laissa pas le temps de retirer son blouson, elle était déjà collée contre lui, le plaquant contre le mur de son salon.
- On se fait un combat ?
- Oh non, Joanna, j'en ai bien assez avec les séances de cours.
Dylan tentait de l'embrasser doucement, il s'était promis de ne pas aller au-delà du baiser mais il ne pouvait pas attendre plus pour franchir cette unique étape.
Elle se refusait dans cette douce étreinte.
- Si tu veux m'embrasser, il te faudra me ligoter.
Dylan la trouvait bien joueuse et après tout, il était prêt à s'amuser un peu.
Il attrapa son écharpe toujours enroulée autour de son cou et voulut lier ses bras.
- Non ! Prends ta ceinture. J'ai vu que tu en avais une en cuir, alors attache-moi les poignets avec ta ceinture et tu pourras m'embrasser.
Dylan commençait à douter. Est-ce qu'elle rigolait ?
Mais il s'exécuta. Joanna se laissait faire docile, même si elle grimaçait un peu.
- Serre fort, hein, sinon, je peux me détacher et tu ne m'embrasseras pas.
Dylan serra.
- Encore.
Encore.
- Mais je vais finir par te tordre le bras, objecta-t-il en voyant la position inconfortable de la jeune femme.
- Je te dirai lorsque je m'en pourrai plus !
- Tu plaisantes ?
- Non.
Non.
Il approcha enfin sa bouche mais elle tourna la tête.
- Agrippe-moi par les cheveux et tire-les fort en arrière, si tu veux ma bouche.
- Mais qu'est-ce que c'est que ce cirque ?
Dylan ne comprenait plus.
- Il n'y a pas de cirque. Je ne prends du plaisir que dans le rapport de force, que si l'on me maltraite.
Dylan ne souriait plus.
- Tu blagues n'est-ce pas ?
- Non. Quand je t'ai vu l'autre jour à la boxe, je me suis dit que j'avais enfin trouvé un partenaire à la hauteur de mes envies. J'ai besoin d'être maltraitée pour faire l'amour.
Dylan aimait prendre soin des femmes, surtout de la sienne. Il aimait l'entourer d'attentions, de délicatesse, de tendresse.
Il ne voulait ni violence ni maltraitance.
Aussi belle soit-elle, Joanna n'était pas ce qu'il recherchait. Il était perdu soudain...
aujourd'hui c'est la journée internationale contre les violences faites aux femmes....
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17 novembre 2015
vendredi 13 novembre
il faut toujours qu'elle me cherche des noises pour rien. Je la regarde, je me demande ce qui m'a plu chez eelle, comment j'ai pu tomber amoureux parce que si je suis honnête je suis tombé raide dingue de cette nana, elle pétillait, riait tout le temps, trouvait tout tellement beau, joyeux, pertinent.
curieuse, elle était curieuse. Intelligente aussi.
bordel mais qu'est-ce que je fous là en face de cette folle qui me reproche je -ne-sais-quoi, qui plaque un point final à cette belle aventure ? j'ai tellement aimé la retrouver après le boulot, l'attendre et la désirer à travers nos textos, tellement aimé la déshabiller et découvrir sa peau, son corps, son odeur.
je me souviens la première fois où j'ai parlé de Jessica à mes pôtes, ils rigolaient en douce "ouais ouais, la femme idéale, la gonzesse de tes rêves, tu nous la fais pas à nous, on te connait, il n'y a aucune nana qui prendra ta liberté ton envie de faire la fête et tes soirées foot entre copains".
ben si, faut croire qu'ils se sont gourés parce que j'ai tout remisé et pour Jessica j'étais même prêt à bien plus.
cette fille, il suffit qu'elle me regarde et mon monde tourne n'importe comment, plus de sens, plus d'orientation, plus de vérité.
sauf que ce soir, c'est la Bérézina, tout part en vrille, elle me reproche un tas de trucs dont je ne comprends même pas le sens, elle est venue à notre rencard pour me faire une scène c'est évident, tellement évident, les pôtes seraient morts de rire, ils me diraient : ça sentait le roussis, man, ça sentait pas bon...
Jessica, my love, hé, reprends-toi, merde, sinon, je vais avoir l'air d'un con.
j'écoute ce qu'elle me dit, tous ces reproches accumulés, putain mais je n'ai rien vu venir, j'étais tout content de ce petit verre partagé à la terrasse du Petit Cambodge, c'est "son" bar parce que mademoiselle a ses habitudes, ses passages obligés...
OK, bon, les pôtes m'attendent sans m'attendre et j'en ai marre de ses reproches, je n'ai pas le courage ce soir pour une engueulade en bon et due forme, je ne m'y attendais pas.
je me lève, je me casse.
Jessica me suit. elle vocifère encore.
stop, please, my girl, stop !
- attends !
elle hurle, je m'en fous, je pars. cette fois, rien ne me fera rester. on parlera demain.
- je ne suis pas sûre qu'on ait réglé nos consos, dit-elle, furieuse de découvrir qu'en plus de tout, je suis radin.
il y a des soirs comme ça où ce n'est pas notre soir et basta !
je me casse.
Jessica est devant la porte vitrée du Petit Cambodge quand la déflagration retentit.
bordel, ma gonzesse est allongée par terre et un sale connard balaie les tables d'une rafle de Kalash...
quand je reviens tout est fini et pour certains cela n'est même pas un mot vain. certains sont transpercés de balles, inanimés.
morts.
je hurle : Jessica ?
et je vois ma gonzesse, ma nana, ma princesse qui lève un visage ensanglanté vers moi :
- je vais bien, t'inquiète. occupe-toi des autres.
je me dis que je l'aime, que je l'aime comme un fou et que si ce soir, elle n'avait pas décidé de me faire une scène nous serions morts tous les deux.
morts.
pour toujours.
oui, je sais, c'est con quand on est morts c'est pour toujours.
vendredi 13 novembre, Jessica, ma douce, je veux que tu sois ma femme pour aujourd'hui et le restant de mes jours.
merci de ton caractère de merde.
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08 novembre 2015
8 novembre
ce n'était pas un dimanche comme les autres.
ma grande fille avait 14 ans, la famille était là, une famille boiteuse, chancelante, malade, sclérosée, abîmée sur le déclin. une famille qui n'est plus que l'ombre d'elle-même.
je faisais semblant d'être dans le bain, je jouais le jeu, je ne pensais qu'à lui, à ma vie qui allait prendre un tournant important dès le lendemain, à nos partages à venir, nos inséparables partages.
je recevais ses messages que je lisais en cachette dans la cuisine.
il y avait des tensions autour de la table, ça me pesait.
il y avait la joie de ma fille, ça me plaisait.
ce n'était pas un dimanche comme les autres.
quand il a appelé le soir pour savoir comment ça s'était passé, j'étais en vrac.
il était en vrac également.
ensemble nous allions recoller nos morceaux, faire de ce drôle de puzzle un bonheur incommensurable.
ce n'était pas un dimanche comme les autres.
ce ne sera jamais un dimanche comme les autres.
c'était le 8 novembre 2009.
c'était il y a 6 ans.
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