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03 septembre 2011

Limonov

sur le blog de Telerama, on peut lire des extraits des livres que j'ai cités dans le précédent post.

je vous glisse un extrait (le début) du livre d'Emmanuel Carrère, paru chez P.O.L. :

 

 

Celui qui veut restaurer le communisme n’a pas de tête. Celui qui ne le regrette pas n’a pas de cœur.

Vladimir Poutine

 

Prologue Moscou, octobre 2006, sePteMbre 2007

 

 

 

 

1

Jusqu’à ce qu’Anna Politkovskaïa soit abattue dans l’escalier de son immeuble, le 7 octobre 2006, seuls les gens qui s’intéressaient de près aux guerres de Tchétché- nie connaissaient le nom de cette journaliste courageuse, opposante déclarée à la politique de Vladimir Poutine. Du jour au lendemain, son visage triste et résolu est devenu en Occident une icône de la liberté d’expression. Je venais alors de tourner un film documentaire dans une petite ville russe, je séjournais souvent en Russie, c’est pourquoi un magazine m’a proposé dès que la nouvelle est tombée de prendre le premier avion pour Moscou. Ma mission n’était pas d’enquêter sur le meurtre de Politkovskaïa, plutôt de faire parler des gens qui l’avaient connue et aimée. C’est ainsi que j’ai passé une semaine dans les bureaux de Novaïa Gazeta, le journal dont elle était le reporter-vedette, mais aussi d’associations pour la défense des droits de l’homme et de comités formés par des mères de soldats tués ou mutilés en Tchétchénie. Ces bureaux étaient minuscules, pauvrement éclairés, équipés d’ordinateurs vétustes. Les activistes qui m’y recevaient étaient souvent âgés aussi, et pathétiquement peu nombreux. C’est un tout petit cercle, où tout le monde se connaît, où je n’ai pas tardé à connaître tout le monde, et ce tout petit cercle constitue pratiquement à lui seul l’opposition démocratique en Russie.

Outre quelques amis russes, je connais à Moscou un autre petit cercle, composé d’expatriés français, journa- listes ou hommes d’affaires, et quand je leur racontais, le soir, mes visites de la journée, ils souriaient avec un peu de commisération : ces vertueux démocrates dont je leur parlais, ces militants des droits de l’homme, c’étaient bien sûr des gens respectables, mais la vérité, c’est que tout le monde s’en foutait. Ils menaient un combat perdu d’avance dans un pays où l’on se soucie peu des libertés formelles pourvu que chacun ait le droit de s’enrichir. Par ailleurs, rien ne divertissait ou, selon leur caractère, n’agaçait autant mes amis expatriés que la thèse répandue dans l’opinion française selon laquelle le meurtre de Politkovskaïa avait été commandité par le FSB – la police politique qu’on appelait, au temps de l’Union soviétique, le KGB – et plus ou moins par Poutine lui-même.

« Attends, m’a dit Pavel, un universitaire franco-russe reconverti dans les affaires, il faut arrêter de dire n’importe quoi. Tu sais ce que j’ai lu – dans le Nouvel Obs, je crois ? Que c’est tout de même bizarre si Politkovskaïa s’est fait descendre, comme par hasard, le jour de l’anniversaire de Poutine. Comme par hasard ! Tu te rends compte du degré de connerie qu’il faut pour écrire noir sur blanc ce comme par hasard? Tu imagines la scène? Réunion de crise au FSB. Le patron dit : les gars, il va falloir se creuser la cer- velle. C’est bientôt l’anniversaire de Vladimir Vladimiro- vitch, il faut vraiment qu’on trouve un cadeau qui lui fasse plaisir. Quelqu’un a une idée ? Ça gamberge, puis une voix s’élève : et si on lui apportait la tête d’Anna Politkovskaïa, cette emmerdeuse qui ne fait que le critiquer? Murmure d’approbation dans l’assistance. En voilà, une bonne idée! Au boulot, les enfants, vous avez carte blanche. Excuse- moi, dit Pavel, mais cette scène-là, je ne l’achète pas. Dans un remake russe des Tontons flingueurs, à la rigueur. Dans la réalité, non. Et tu sais quoi? La réalité, c’est ce qu’a dit Poutine, qui a tellement choqué les belles âmes d’Occident : l’assassinat d’Anna Politkovskaïa et le raffut qu’on fait autour causent beaucoup plus de tort au Kremlin que les articles qu’elle écrivait de son vivant, dans son journal que personne ne lisait. »

J’écoutais Pavel et ses amis, dans les beaux appar- tements que les gens comme eux louent à prix d’or au centre de Moscou, défendre le pouvoir en disant que premièrement les choses pourraient être mille fois pires, deuxièmement que les Russes s’en contentent – alors au nom de quoi leur faire la leçon? Mais j’écoutais aussi des femmes tristes et usées qui à longueur de journée me racontaient des his- toires d’enlèvements, la nuit, dans des voitures sans plaques d’immatriculation, de soldats torturés non par l’ennemi mais par leurs supérieurs, et surtout de dénis de justice. C’est cela qui revenait sans cesse. Que la police ou l’armée soient corrompues, c’est dans l’ordre des choses. Que la vie humaine ait peu de prix, c’est dans la tradition russe. Mais l’arrogance et la brutalité des représentants du pouvoir quand de simples citoyens se risquaient à leur demander des comptes, la certitude qu’ils avaient de leur impunité, voilà ce que ne supportaient ni les mères de soldats, ni celles des enfants massacrés à l’école de Beslan, au Caucase, ni les proches des victimes du théâtre de la Doubrovka.

Rappelez-vous, c’était en octobre 2002. Toutes les télé- visions du monde n’ont montré que cela pendant trois jours. Des terroristes tchétchènes avaient pris tout le public du théâtre en otage pendant la représentation d’une comédie musicale appelée Nord-Ost. Les forces spéciales, excluant toute négociation, ont résolu le problème en gazant, avec les preneurs d’otages, les otages eux-mêmes – fermeté dont le président Poutine les a chaleureusement félicitées. Le nombre des victimes civiles est discuté, il tourne autour de cent cinquante, et leurs proches sont considérés comme des complices des terroristes quand ils demandent si on n’aurait pas pu essayer de s’y prendre autrement et les traiter, eux et leur deuil, avec un peu moins de négligence. Chaque année, depuis, ils se réunissent pour une cérémonie de commémoration que la police n’ose pas carrément interdire mais surveille comme un rassemblement séditieux – ce que c’est, de fait, devenu.

J’y suis allé. Il y avait deux, trois cents personnes, je dirais, sur la place devant le théâtre, et autour d’elles autant d’OMON, qui sont l’équivalent russe de nos CRS, comme eux munis de casques, de boucliers et de lourdes matraques. Il s’est mis à pleuvoir. Des parapluies s’ouvraient au-dessus des bougies qui, avec leurs collerettes en papier pour pro- téger les doigts de la cire brûlante, m’ont rappelé les offices orthodoxes auxquels on m’emmenait, à Pâques, quand j’étais petit. Des pancartes remplaçaient les icônes, avec les photos et les noms des morts. Les gens qui portaient ces pancartes et ces bougies étaient des orphelins, des veufs et des veuves, des parents qui avaient perdu un enfant – ce pour quoi il n’existe pas davantage de mot en russe qu’en français. Aucun représentant de l’État n’était venu, comme l’a souligné avec une colère froide un représentant des familles, qui a prononcé quelques mots – les seuls de toute la cérémonie. Pas de discours, pas de slogans, pas de chants. On se contentait de rester debout, en silence, sa bougie à la main, ou de parler bas, par petits groupes, entre les rem- parts d’OMON qui avaient bouclé le périmètre. En regar- dant autour de moi, j’ai reconnu plusieurs visages : outre les familles endeuillées, il y avait là le ban et l’arrière-ban de ce petit monde d’opposants dont je faisais depuis une semaine le tour, et j’ai échangé avec eux quelques signes de tête empreints d’une convenable affliction.

Tout en haut des marches, devant les portes fermées du théâtre, une silhouette me semblait vaguement fami- lière, mais je ne parvenais pas à l’identifier. C’était un homme vêtu d’un manteau noir, tenant comme les autres une bougie, entouré de plusieurs personnes avec qui il par- lait à mi-voix. Au centre d’un cercle, dominant la foule, en retrait mais attirant le regard, il donnait une impression d’importance et j’ai bizarrement pensé à un chef de gang assistant avec sa garde rapprochée à l’enterrement d’un de ses hommes. Je ne le voyais qu’en profil perdu, du col relevé de son manteau dépassait une barbiche. Une femme qui, à côté de moi, l’avait repéré aussi a dit à sa voisine : « Édouard est là, c’est bien. » Il a tourné la tête, comme si malgré la distance il l’avait entendue. La flamme de la bougie a creusé les traits de son visage.

J’ai reconnu Limonov. 

 

 

2

Depuis combien de temps n’avais-je pas pensé à lui? Je l’avais connu au début des années quatre-vingt, quand il s’était installé à Paris, auréolé par le succès de son roman à scandale, Le poète russe préfère les grands nègres. Il y racontait la vie misérable et superbe qu’il avait menée à New York après avoir émigré d’Union soviétique. Petits boulots, survie au jour le jour dans un hôtel sordide et parfois dans la rue, coucheries hétéro et homosexuelles, cuites, rapines et bagarres : cela pouvait faire penser, pour la violence et la rage, à la dérive urbaine de Robert De Niro dans Taxi Driver, pour l’élan vital aux romans de Henry Miller dont Limonov avait le cuir coriace et la placidité de cannibale. Ce n’était pas rien, ce livre, et son auteur, quand on le rencontrait, ne décevait pas. On était habitué, en ce temps-là, à ce que les dissidents soviétiques soient des barbus graves et mal habillés, habitant de petits appartements remplis de livres et d’icônes où ils passaient des nuits entières à parler du salut du monde par l’orthodoxie ; on se retrouvait devant un type sexy, rusé, marrant, qui avait l’air à la fois d’un marin en bordée et d’une rock-star. On était en pleine vague punk, son héros revendiqué était Johnny Rotten, le leader des Sex Pistols, il ne se gênait pas pour traiter Soljenit- syne de vieux con. C’était rafraîchissant, cette dissidence new wave, et Limonov à son arrivée a été la coqueluche du petit monde littéraire parisien – où, pour ma part, je débutais timidement. Ce n’était pas un auteur de fiction, il ne savait raconter que sa vie, mais sa vie était passionnante et il la racontait bien, dans un style simple, concret, sans chichis littéraires, avec l’énergie d’un Jack London russe. Après ses chroniques de l’émigration, il a publié ses sou- venirs d’enfant dans la banlieue de Kharkov, en Ukraine, puis de délinquant juvénile, puis de poète d’avant-garde à Moscou, sous Brejnev. Il parlait de cette époque et de l’Union soviétique avec une nostalgie narquoise, comme d’un paradis pour hooligans dégourdis, et il n’était pas rare qu’en fin de dîner, quand tout le monde était ivre sauf lui, car il tient prodigieusement l’alcool, il fasse l’éloge de Sta- line, ce qu’on mettait sur le compte de son goût pour la provocation. On le croisait au Palace, arborant une vareuse d’officier de l’Armée rouge. Il écrivait dans L’Idiot inter- national, le journal de Jean-Édern Hallier, qui n’était pas blanc-bleu idéologiquement, mais rassemblait des esprits anticonformistes et brillants. Il aimait la bagarre, il avait un succès incroyable avec les filles. Sa liberté d’allures et son passé aventureux en imposaient aux jeunes bourgeois que nous étions. Limonov était notre barbare, notre voyou : nous l’adorions.

Les choses ont commencé à prendre un tour bizarre quand le communisme s’est effondré. Tout le monde s’en réjouissait sauf lui, qui n’avait plus du tout l’air de plaisan- ter en réclamant pour Gorbatchev le peloton d’exécution. Il s’est mis à disparaître pour de longs voyages dans les Balkans, où on a découvert avec horreur qu’il faisait la guerre au côté des troupes serbes – autant dire, à nos yeux, des nazis ou des génocidaires hutus. On l’a vu, dans un documentaire de la BBC, mitrailler Sarajevo assiégée sous l’œil bienveillant de Radovan Karadžić, leader des Serbes de Bosnie et criminel de guerre avéré. Après ces exploits, il est retourné en Russie où il a créé un parti politique portant le nom engageant de parti national-bolchevik. Des repor- tages, quelquefois, montraient des jeunes gens au crâne rasé, vêtus de noir, qui défilaient dans les rues de Moscou en faisant un salut mi-hitlérien (bras levé) mi-communiste (poing fermé) et braillant des slogans comme « Staline! Beria ! Goulag ! » (sous-entendu : qu’on nous les rende !) Les drapeaux qu’ils brandissaient imitaient celui du IIIe Reich, avec la faucille et le marteau à la place de la croix gammée. Et l’énergumène à casquette de base-ball qui gesticulait, mégaphone au poing, en tête de ces colonnes, c’était ce garçon drôle et séduisant dont, quelques années plus tôt, nous étions tous si fiers d’être les amis. Cela faisait un effet aussi étrange que de découvrir qu’un ancien camarade de lycée est devenu une figure du grand banditisme ou s’est fait sauter dans un attentat terroriste. On repense à lui, on remue des souvenirs, on tâche d’imaginer l’enchaînement de circonstances et les ressorts intimes qui ont entraîné sa vie si loin de la nôtre. En 2001, on a appris que Limonov était arrêté, jugé, emprisonné pour des raisons assez obs- cures où il était question de trafic d’armes et de tentative de coup d’état au Kazakhstan. C’est peu dire qu’on ne s’est pas bousculés, à Paris, pour signer la pétition réclamant sa remise en liberté.

Je ne savais pas qu’il était sorti de prison, et j’étais surtout stupéfait de le retrouver ici. Il faisait moins rocker qu’autrefois, plus intellectuel, mais il avait toujours la même aura, impérieuse, énergique, palpable même à cent mètres de distance. J’ai hésité à me mettre dans une file de gens qui, visiblement touchés de sa présence, venaient le saluer avec respect. Mais j’ai, à un moment, croisé son regard et, comme il n’a pas semblé me reconnaître, comme je ne savais trop par ailleurs quoi lui dire, j’ai laissé tomber.

Troublé par cette rencontre, je suis rentré à l’hôtel, où une nouvelle surprise m’attendait. En parcourant un recueil d’articles d’Anna Politkovskaïa, j’ai découvert qu’elle avait deux ans plus tôt suivi le procès de trente-neuf militants du parti national-bolchevik, accusés d’avoir envahi et vandalisé le siège de l’administration présidentielle aux cris de « Poutine, va-t’en! ». Pour ce crime, ils avaient écopé de lourdes peines de prison et Politkovskaïa prenait haut et fort leur défense : des jeunes gens courageux, intègres, seuls ou presque à donner confiance dans l’avenir moral du pays.

Je n’en revenais pas. L’affaire m’avait paru classée, sans appel : Limonov était un affreux fasciste, à la tête d’une milice de skinheads. Or voici qu’une femme unanimement considérée depuis sa mort comme une sainte parlait de lui, et d’eux, comme de héros du combat démocratique en Rus- sie. Même son de cloche, sur internet, de la part d’Elena Bonner. Elena Bonner! La veuve d’Andreï Sakharov, grand savant, grand dissident, grande conscience morale, prix Nobel de la paix. Elle aussi, elle trouvait très bien les nasbols, comme j’ai appris à cette occasion qu’on appelle en Russie les membres du parti national-bolchevik. Il fau- drait peut-être, disait-elle, qu’ils pensent à changer le nom de leur parti, malsonnant à certaines oreilles : autrement, des gens épatants.

Quelques mois plus tard, j’ai appris que se formait sous le nom de Drougaïa Rossia, l’autre Russie, une coalition politique composée de Gary Kasparov, Mikhaïl Kassio- nov et Édouard Limonov – soit un des plus grands joueurs d’échecs de tous les temps, un ancien Premier ministre de Poutine et un écrivain selon nos critères infréquentable : drôle d’attelage. Quelque chose, de toute évidence, avait changé, peut-être pas Limonov lui-même mais la place qu’il tenait dans son pays. C’est pourquoi, quand Patrick de Saint-Exupéry, que j’avais connu correspondant du Figaro à Moscou, m’a parlé d’une revue de reportages dont il pré- parait le lancement et demandé si j’aurais un sujet pour le premier numéro, j’ai sans même réfléchir répondu : Limo- nov. Patrick m’a regardé avec des yeux ronds : « C’est une petite frappe, Limonov. » J’ai dit : « Je ne sais pas, il fau- drait aller voir.

– Bien, a tranché Patrick sans demander davantage d’explications, va voir. »

Il m’a fallu un peu de temps pour remonter la piste, obtenir par Sacha Ivanov, un éditeur de Moscou, son numéro de portable. Et une fois que je l’ai eu, ce numéro, il m’a fallu du temps pour le composer. J’hésitais sur le ton à adopter, pas seulement vis-à-vis de lui mais pour moi- même : étais-je un vieux copain ou un enquêteur soup- çonneux? Fallait-il parler russe ou français? Le tutoyer ou le vouvoyer? Je me rappelle ces hésitations mais pas, curieusement, la phrase que j’ai prononcée quand, dès ma première tentative et avant même la seconde tonalité, il a décroché. J’ai dû dire mon nom et, sans une seconde de flottement, il a répondu : « Ah, Emmanuel. Ça va? » J’ai bredouillé que oui, pris de court : nous nous connaissions peu, ne nous étions pas vus depuis quinze ans, je m’atten- dais à devoir lui rappeler qui j’étais. Aussitôt, il a enchaîné : « Vous étiez à la cérémonie à Doubrovka, l’année dernière, n’est-ce pas ? »

Je suis resté sans voix. À cent mètres de distance, je l’avais, moi, longuement dévisagé, mais nos regards ne s’étaient croisés qu’un instant et rien de sa part, ni temps d’arrêt ni haussement de sourcils, n’avait manifesté qu’il m’avait reconnu. Plus tard, une fois remis de ma stupéfac- tion, j’ai pensé que Sacha Ivanov, notre ami éditeur, avait pu lui annoncer mon appel, mais je n’avais rien dit à Sacha Ivanov de ma présence à la Doubrovka, le mystère restait donc entier. J’ai compris par la suite que ce n’était pas un mystère, simplement qu’il a une mémoire prodigieuse et un contrôle non moins prodigieux de lui-même. Je lui ai dit que je voulais faire un long article sur lui, et il a accepté sans façon que je vienne passer deux semaines à ses côtés – « sauf, a-t-il ajouté, si on me remet en prison ».

 

 

3

Deux jeunes costauds au crâne rasé, vêtus de jeans et blousons noirs, chaussés de rangers, viennent me chercher pour me conduire à leur chef. Nous traversons Moscou dans une Volga noire aux vitres fumées et je m’attendrais presque à ce qu’on me bande les yeux, mais non, mes anges gardiens se contentent d’inspecter rapidement la cour de l’immeuble, puis la cage d’escalier, le palier enfin, donnant sur un petit appartement sombre, meublé comme un squat, où deux autres crânes rasés tuent le temps en fumant des cigarettes. [...]


01 septembre 2011

rentrée littéraire

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Pour la septième année, France Culture et Télérama dévoilent leur sélection de la rentrée littéraire.
Au programme : 10 romans français et 10 étrangers. Le jury, constitué de Caroline Broué, Arnaud Laporte, Olivier Poivre d’Arvor, Augustin Trapenard, Sandrine Treiner et Alain Veinstein pour France Culture, et de Michel Abescat, Nathalie Crom, Christine Ferniot, Gilles Heuré, Marine Landrot et Fabienne Pascaud pour Télérama, s’est réuni mardi 23 août et a établi la sélection suivante :
Romans français :
- Limonov d’Emmanuel Carrère (P.O.L)
- Clèves de Marie Darrieussecq (P.O.L)
- Le ravissement de Britney Spears de Jean Rolin (P.O.L)
- Ma chère Lise de Vincent Almendros (Minuit)
- Repas de morts de Dmitri Bortnikov (Allia)
- Solène de François Dominique (Verdier)
- Brut de Dalibor Frioux (Seuil)
- O solitude de Catherine Millot (Gallimard)
- So long, Luise de Céline Minard (Denoël)
- Comme une ombre de Michel Schneider (Grasset)

31 août 2011

Sophie et Marie

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Les dessins originaux du prochain album illustré par Marie Desbons "Le messager du clair de lune" et les toiles du dernier ouvrage de Sophie Adde “Linh et la fleur du bonheur” cotoient des reproductions et des travaux personnels des deux artistes.

L’exposition se clôturera par une dédicace le 1er octobre en présence de Sophie et Marie.

Espace culturel, 12 Rue de la Porte du Côté, 41000 Blois du 26 août au 1er octobre 2011


19 août 2011

lire et dé-lire

j'ai découvert le blog d'Olivier Lhote "Lire et dé-lire" et je vous le conseille.

c'est une réflexion sur la façon de créer une passerelle entre lecture et écriture, écriture et lecture et des idées pour des ateliers d'écriture, des pistes sur le travil d'auteur...

une petite promenade dans son univers s'impose...

Video

annonce

si cela intéresse un auteur, un journaliste ou tout autre personne : les éditions du Contentin basées à Cherbourg cherche un "passionné d'art et curieux d'anecdotes savoureuses, pour travailler essentiellement sur documentation" afin d'écrire un texte intitulé "Promenades insolites dans les Musées du Cotentin".

alors si cela vous tente, nhéistez pas à postuler.

 

Editions du Cotentin

F Le Braz
30 rue asselin
50100  cherbourg
FRANCE

E-mail : megaphone@dbmail.com
Tel : 02 33 95 29 80
 

07 août 2011

Marelle

voilà un livre que j'ai bien envie de décourvrir : "Marelle" de Julio Cortazar.

je vous glisse un tout-petit extrait en dessous :

 

"Horacio me traite de sentimentale, me traite de matérialiste, me traite de tout parce que je ne t'amène pas ou parce que je veux t'amener, parce que j'y renonce, parce que je veux aller te voir, parce que je comprends soudain que je ne peux pas y aller, parce que je suis capable de marcher une heure sous la pluie pour aller voir Le Cuirassé Potemkine dans un quartier que je ne connais pas, et je n'y renoncerais pour rien au monde, Rocamadour, parce que le monde n'a plus d'importance si on n'a pas la force de choisir soudain une chose qui vaille la peine, si on est rangé comme un tiroir de commode, si on te met toi d'un côté, le dimanche de l'autre, l'amour maternel, le jouet neuf, la gare Montparnasse, le train, la visite qu'il faut faire. Je n'ai pas envie d'y aller, Rocamadour, et tu sais que c'est bien ainsi et tu n'es pas triste. Horacio a raison, je ne pense plus du tout à toi, parfois, et je crois que tu m'en seras reconnaissant un jour quand tu comprendras, quand tu verras que ça valait la peine que je sois comme je suis.

 

 


Julio Silva:"sybille"

 

Mais je pleure quand même, Rocamadour, et je t'écris cette lettre parce que je ne sais pas, parce que je me trompe peut-être, parce que je suis peut-être mauvaise, ou peut-être malade ou un peu idiote, pas beaucoup, un peu seulement mais c'est terrible ça, la seule idée me donne la colique, me fait rentrer la tête dans les épaules, je vais éclater si je ne me lève pas, et je t'aime tant, Rocamadour, bébé Rocamadour, petite dent, grain de riz, je t'aime tant, nez en sucre, petit arbre, petit cheval de bois..."

Cortazar - Marelle [32] , trad. Laure Guille-Bataillon - Gallimard


25 juillet 2011

paper hats

il pleut, j'entends l'herbe se mouiller et le ciel se voiler.

alors n'hésitez pas à aller vous promener au milieu des livres d'Elodie Coudray...

un vrai bonheur !

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23 juin 2011

mère et fils...

j'adore ce texte...

 

" La tendresse maternelle dont j'étais entouré eut à cette époque une conséquence inattendue et extrêmement heureuse. Lorsque les affaires allaient bien et que la vente de quelque bijou familial permettait à ma mère d'envisager un mois de relative sécurité matérielle, son premier soin était d'aller chez le coiffeur. Elle allait ensuite écouter l'orchestre tzigane à la terrasse de l'hôtel royal et engageait une femme de ménage chargée d'exécuter dans l'appartement divers travaux de propreté.

Mariette était une fille au bas ventre bien ancré dans un bassin généreux, aux grands yeux malins, aux jambes fermes et solides et doté d'un derrière sensationnel que je voyais constamment en classe au lieu et à la figure de mon professeur de mathématiques. cette vision fascinante était la très simple raison pour laquelle je fixais la physionomie de mon maître avec une si complète concentration. la bouche ouverte je ne la quittais pas des yeux pendant toute la durée de son cour, n'écoutant bien entendu pas un mot de ce qu'il disait. bref, Mariette prenait dans ma vie une importance grandissante. Lorsque cette déesse méditerranéenne apparaissait à l'horizon, mon coeur partait au galop à sa rencontre et je demeurais sans bouger sur mon lit, terriblement encombré. je finis par me rendre compte que Mariette m'observait également avec une certaine curiosité. elle se tournait parfois vers moi, mettait les mains sur ses hanches, me fixait avec un sourire un peu rêveur, soupirait, hochait la tête et disait : " ça fait rien, vous pouvez dire que votre mère, elle vous aime vraiment. elle parle de vous quand vous êtes pas là, et toutes ces belles aventures qui vous attendent et toutes les jolies dames qui vont vous aimer et patati et patata, ça commence à me faire de l'effet. elle me parle de vous comme si vous étiez un prince charmant quoi... mon Romain par ci, mon Romain par là, je sais bien que c'est uniquement parce que vous êtes son fils mais à la fin je me sens toute drôle. c'est même énervant, on se demande ce que vous avez de spécial. "

elle attendit un moment puis soupira et se remit à frotter le parquet. j'étais complètement paralysé, transformé des pieds à la tête en un tronc pétrifié. je savais bien qu'il me fallait faire quelque chose mais je me sentais littéralement cloué sur place. Mariette finit son travail et s'en alla. je la regardais partir avec cette sensation qu'une livre venait de s'arracher de ma chair et de me quitter pour toujours. J'avais l'impression que je venais de rater ma vie. mais je ne connaissais pas alors le dicton célèbre "ce que femme veut, Dieu le veut".

Mariette continua à me jeter des regards bizarres, et le miracle se produisit enfin. je me souviens de ce visage malicieux, penché sur moi et de cette voix un peu ronde qui me disait ensuite en me caressant la joue alors que je planais quelque part dans un monde meilleur, entièrement débarrassé de tout poids : "faut pas lui dire, hein, je n'ai pas pu résister. je sais bien que c'est ta mère mais c'est tout de même beau un amour comme ça. ça finit par faire envie. Il n'y aura jamais une autre femme dans la vie pour t'aimer comme elle, c'est sûr.

c'était sûr mais je ne le savais pas. ce fut seulement aux abords de la quarantaine que je commençais à comprendre. il n'est pas bon d'être tellement aimé si jeune si tôt, ça vous donne de nouvelles habitudes. on croit que c'est arrivé, on croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver, on compte là-dessus, on regarde, on espère, on attend.

avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. on est obligés ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son coeur, ce ne sont plus que des condoléances. on revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. jamais plus.

jamais plus.

jamais plus.

des bras adorables se renferment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour mais vous êtes au courant. vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tout côté, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. vous avez fait dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour, vous avez sur vous de la documentation, partout où vous allez, vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu.

je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leur petit, je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer.

si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. malheureusement pour moi, je m'y connais en vrai diamant. "

"La promesse de l'aube"

Romain Gary

16 juin 2011

à l'école

Un nouvel appel à textes est ouvert depuis le 15 décembre 2010, et jusqu'au 25 juin 2011 à minuit. Parution du recueil prévue pour début septembre. Votre inspiration portera cette fois sur « L'école »: celle des enfants comme celle de la vie, de l'amour, du permis de conduire, de cuisine, des fans... l'école où l'on apprend, dans le sens large comme dans le sens particulier.

À vos plumes !

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Pour rappel :

- les textes soumis doivent être envoyés en fichier joint (format RTF, TXT ou DOC compatible avec tous les traitements de texte, pas de document DOCX spécifique à Word par exemple) par mail à l'adresse : dixdeplume (at) free.fr

- la longueur de chaque nouvelle doit être d'au moins 12.000 signes espaces compris(es) (une fourchette de 20.000 à 40.000 signes étant l'idéal).

- ce critère n'est pas applicable aux poésies qui n'ont pas de longueur minimum.

- le nombre de nouvelles par livre est souhaité entre 10 et 15.

- cible : tous publics.

- genre : littérature blanche et poésie (pas de littératures de l'imaginaire : science-fiction, fantasy ou fantastique, bien qu'une petite tendance fantastique soit acceptée).


Pour toute autre question, n'hésitez pas à consulter le forum-atelier :
http://maruja.sener.free.fr/forum/dixdeplume.php

06 juin 2011

livre Inter 2011

le 37e prix du livre Inter a été attribué à Olivia Rosenthal pour "Que font les rennes après Noël ?" aux éditions Vericales... ça me fait étrangement penser à cette série qu'illustre Olivier Daumas ("Que font les sorcières quand elles ne font pas peur ?" "Que fait le Père Noël quand il ne distribue plus les cadeaux ?"..).

à croire que ces questions existentielles peuplent nos esprits actuels...

bon, le président du jury Inter était Amin Maalouf, un libanais qui a grandi en Egypte.

il y avait du beau monde en compétition mais c'est Olivia Rosenthal qui l'a emporté.

Que font les rennes après Noël ?

voilà le résumé du livre que l'on peut trouver sur le site de la Fnac :

"Vous aimez les animaux. Ce livre raconte leur histoire et la vôtre. L’histoire d’une enfant qui croit que le traîneau du père Noël apporte les cadeaux et qui sera forcée un jour de ne plus y croire. Il faut grandir, il faut s’affranchir. C’est très difficile. C’est même impossible. Au fond, vous êtes exactement comme les animaux, tous ces animaux que nous emprisonnons, que nous élevons, que nous protégeons, que nous mangeons. Vous aussi, vous êtes emprisonnée, élevée, éduquée, protégée. Et ni les animaux ni vous ne savez comment faire pour vous émanciper. Pourtant il faudra bien trouver un moyen."

alors à vos achats !! et tout avis est bienvenu...

22 mai 2011

"tu verras"

elle a pleuré en lisant les lignes qui s'enchainent l'histoire qui se déroule. elle a pleuré en pensant à eux en pensant à tout ce qu'elle ne veut pas manquer avec eux et surtout ne jamais manquer d'eux. elle se rend compte qu'aimer c'est trembler. trembler de cette peur d'un malheur si vite arrivé elle en sait quelque chose.

"dis maman, si je meurs, tu feras quoi ?

- Je crois que je deviendrais folle. ou que je mourrais aussi..."

(souvenir d'une ancienne discussion)

mon Dieu, ne pas y penser, ne jamais y penser, ne jamais le vivre prématurément. là, ça suffit.

mais elle est sotte, c'est juste une histoire, une histoire qui se déroule à travers les lignes qui s'enchainent et qui la font pleurer.

elle a pleuré des similitudes d'enfants. et elle a eu envie d'écrire aussi. elle se sent en deuil. mais c'est juste une histoire. des lignes qu'elle lit.

elle a pleuré de ce vide qu'elle sent naître en elle à cause de cette histoire de ces lignes qui s'enchainent et qui ressemblent tant à un autre vide.

quand elle est arrivée, elle les a regardés. eux. eux si vivants si bruyants si bougeants si... vivants. l'histoire était finie, la vraie vie était là. ouf !!

 

17 mai 2011

ce qui allait arriver...

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Ce qui allait arriver tout de suite, c'est que j'allais l'embrasser

Du 13/05/2011 au 19/05/2011

Un livre, un live par Claudine Galea et Lionel Damei. L'alliance du roman d'amour et de la chanson est presque naturelle. La chanson capte l'émotion instantanée et l'éternise. Mélodie/Melody : musique et prénom, ritournelle et corps.
À travers la chanson, on revit amours enfuies ou enfouies, coups de foudre et passions, bonheurs hors du commun et chagrins sans fond. Une écrivain et un auteur-interprète inventent le concept de Un livre, un live à partir d'histoires d'amour qui se croisent et se tissent dans une ville commune, Marseille." Si je devais garder à jamais une image. Bien sûr ce serait toi en haut du Fort Saint-Jean. C'est tout au bout du quai juste avant le virage. Où la mer se déploie vers l'Afrique et l'Orient."
Cette chanson de Lionel Damei, Une image, vient clore Un amour prodigue, roman de Claudine Galea, où résonnent, aussi et entre autres, paroles et mélodies de Françoise Hardy, Cat Power, Keith Jarrett, AaRON.
Maintenant le livre ouvre sur la chanson. Les partitions se mélangent, mots et chansons, roman et romance, un Livre, un Live, ces états exacerbés de coeur et de corps tendus vers l'unique promesse : ce qui allait arriver tout de suite, c'est que j'allais l'embrasser.
Claudine Galea et Lionel Damei, nous invitent à partager leurs unviers musicaux et littéraires dans le cadre d'une Carte Blanche qui aura lieu du 20 au 28 mai 2011.

 

C’est la phrase qui s’écrit dans la tête et vibre dans le corps de tous les amoureux et amoureuses. Rien d’autre ne compte alors, et des années plus tard, des amours plus tard, le même élan vous emporte encore. Aux histoires d’amour, toujours des chansons s’associent. La chanson capte l’émotion instantanée et l’éternise. Sur le plateau, deux histoires d’amour vont se tisser, se faire écho, en musique et en mots, et Marseille, sa lumière, éclatante ou brisée, en sera le principal écrin.


04 mai 2011

nouvelle

appel à textes : si vous voulez m'envoyer une nouvelle pour le prochain de La Lettrine, vous êtes bienvenus...

à vos claviers...

24 avril 2011

Cadenet

Dans la masse des salons du livre proposés au printemps et face à la notion de « petite édition » largement galvaudée, ce salon a la particularité de ne pas accueillir tous les petits éditeurs.

Petite édition, comme grande édition, englobe souvent des structures qui, au-delà de l'appellation, desservent le lectorat, les littératures et offrent une image médiocre du métier d'éditeur et des politiques menées par ce dernier.

Pour se faire, chaque éditeur présent est sélectionné par la Boucherie littéraire, soit sur son catalogue soit sur sa politique éditoriale - quand ce n'est pas les deux. Le risque de choix arbitraires est totalement assumé et n'engage que la Boucherie littéraire.

Le salon privilégie la présence des éditeurs sur les stands. Les libraires présents sont choisis soit par les éditeurs ne pouvant pas être présents, soit parce que la politique de leur librairie correspond à celle développée par le salon.

Chaque année sont invités deux éditeurs officiant dans des champs différents de l'édition.

Deux éditeurs étaient à l'honneur : Absalon & The Hoochie Coochie.

Une quarantaine d'éditeurs, de libraires et d'auteurs étaient là "en chair et en os".

Les beaux jours

22 avril 2011

adieu Anna Chanel

à lire sur Bsc News magazine :
Par Julie Cadilhac-Bscnews.fr / Au printemps, saison où la nature fertile renaît et exécute une parade de couleurs  optimistes, voir s'éteindre de beaux projets d'édition assombrit considérablement notre enthousiasme culturel. La maison Anna Chanel, qui produisait des albums jeunesse superbes autant par leur ambition à confronter les enfants à des univers graphiques diversifiés qu'à choisir des problématiques permettant un dialogue  entre les adultes et les petits, vient d'annoncer l'arrêt définitif de son activité. Nous regretterons amèrement de ne plus avoir le plaisir de chroniquer les projets pétillants et intelligents auxquels Nathalie et Philippe Collon permettaient de faire éclore avec de nombreux auteurs et illustrateurs de grand talent. Dire adieu à une équipe artistique, c'est , d'un dernier élan du clavier, saluer les personnages dont ils étaient les démiurges:Fumus, le dragon travailleur, Tessie la couturière aventurière, Lilie couleurs, Emma danseuse d'étoiles et tant d'autres espiègles compagnons...
Dans un contexte économique de crise, ce n'est un secret pour personne que la culture est la première cible  à laquelle on Tessieapplique des restrictions budgétaires draconiennes. Sous prétexte que le la culture ne soigne pas,  ne nourrit pas,  ne construit pas et SURTOUT qu'elle est l'apanage d'êtres inutiles et lunaires qui n'apportent que peu à notre société de consommation, elle n'est jamais considérée comme une priorité. Portés pourtant par des  activistes courageux qui croient justement que la culture soigne, nourrit et construit l'avenir, elle reste un des derniers bastions qui résistent à la métamorphose de l'idéal humain en un hybride arriviste et insipide  mi-porte-feuille, mi-gadget électronique.
La diversité et la liberté  deviennent des bastions culturels de plus en plus désertés tellement il est périlleux d'avoir l'audace de se lancer en 2011 dans un projet culturel indépendant . Faire émerger un projet culturel aujourd'hui, c'est davantage se vendre que créer.  On comprend que l'écoeurement  ait saisi beaucoup d'idéalistes qui s'y sont risqués et qui doivent renoncer, faute d'aides dans ce monde en crise, à leurs envies de partager avec le public leur passion.
Si la prolifération annuelle d'ouvrages  peut justifier  en partie les difficultés à survivre dans la jungle du monde de l'édition,  il faut peut-être s'interroger  aussi sur la démarche du lecteur contemporain.... Y-a-t-il une curiosité manifeste à découvrir de nouveaux univers ou une certaine passivité envahit les rangs qui fait le gain des grands groupes? Quel avenir pour le livre s'il n'y a plus d'avenir économique que pour des ouvrages mercantiles?
La neige en étéNon, assurément, il n'y a rien de blâmable à lire des best-sellers et à aimer le travail d'artistes reconnus et qui publient dans une grande maison mais céder systématiquement à la facilité des têtes de gondoles en librairie, c'est contribuer à appauvrir notre patrimoine culturel. Nous sommes ce que nous lisons. Si nous lisons tous les mêmes livres, nous nous formatons consciemment et devenons des moutons culturels. Les Editions Anna Chanel étaient de ceux qui contribuaient à prôner toute  la richesse de la diversité.
 
 


05 avril 2011

lire ensemble

Pour inaugurer la quinzaine culturelle Lire Ensemble, plus de 400 spectateurs ont assisté vendredi dernier à Nuit Bleue "Oui et...", du théâtre d'improvisation composé et mis en scène par la Compagnie "Des sourires et des hommes".

Le spectacle a débuté par une démonstration d'Héloïse Biseau, qui a exécuté un numéro étonnant avec une boite en bois, mêlant équilibrisme, contorsionnisme et humour. Le choix de cette prestation, orientée sur l’image plutôt que sur les mots, était de montrer que les médiathèques et les bibliothèques sont des lieux où l’image occupe également une place importante à travers la musique, les films, les livres d’art… 
La soirée s'est poursuivie avec les artistes de la Compagnie Des sourires et des hommes, Albin Warette, Aurélien Zolli, Fabien Coulombier et David Ramuscello, qui ont construit à partir de mots, d'idées ou d'expressions proposés par les spectateurs des histoires plus délirantes les unes que les autres : Gaston dans une tour au XVIIIe siècle en train d'arroser ses fleurs ou encore Georges dans la jungle en train de faire son jogging... Les spectateurs proposent et les artistes composent, une alchimie s'opère alliant talent et fous rires.

Le ton de Lire Ensemble est donné : festif, vivant et étonnant !

Cette soirée marque le lancement de Lire Ensemble qui va se poursuivre pendant deux semaines par des spectacles, des ateliers, des expositions, des animations pour petits et grands dans les 17 communes du territoire d'Agglopole Provence.
(article trouvé dans Maritima info)

04 avril 2011

lipogramme

je vous mets en dessous mon texte lauréat du concours "Des plumes et des mains" :

Evelyne vient tous les jours rue des Oliviers. Elle ne peut dire pourquoi elle vient c’est tout. Tous les jours.

Elle pose son ventre contre le gros chêne, glisse ses doigts sur le tronc noueux, colle son visage sur l’écorce, respire l’odeur forte du Quercus et ferme les yeux. C’est drôle, tiens, un chêne qui se trouve rue des Oliviers !

Le moment reste en suspens. Plus rien ne bouge, ne file, ne vit.

D’un coup, elle n’est plus Evelyne, plus cette femme docile et joyeuse que les gens estiment, respectent mais ignorent donc.

Elle devient être du silence, elle s’oublie, se retire de ce monde, le vide l’enveloppe et elle se fond en l’écorce. Son épiderme devient rugueux, sec, son corps s’enfonce contre le chêne, elle ne sent plus les frémissements de son cœur, tout en elle se durcit.

Elle ne respire plus, elle siffle. Comme un vent régulier.

Lentement, une sève onctueuse coule en elle, ses veines se muent en phloème, ses os deviennent fibres ligneuses, ses membres sont tiges.

Elle ne veut plus réfléchir, ce rêve inouï l’emporte merveilleusement.

Comme tous les jours, Evelyne entend une même mélodieuse musique qui berce son esprit et endort ses peurs. Le chêne lui confie ses secrets et guide ses questions. Elle se remplit d’une force conductrice qui génère l’énergie essentielle pour son bien-être quotidien.

D’où vient cette communion entre cette femme et ce chêne ? Depuis deux mois, cette fusion est devenue un rituel et rien ne peut empêcher Evelyne de venir ici.

Ce jeudi, Evelyne est plume légère lorsqu’elle tourne le coin de rue. Elle le voit. Son être frissonne. Le chêne pédonculé est fièrement posté, robuste et protecteur. Une pulsion irréelle pousse Evelyne qui est brusquement collée contre le Quercus, presque fondue en lui, vite si vite. Une délicieuse impression de flottement l’étreint. Enveloppée d’une douce subérine, Evelyne s’enivre de cette impétueuse union.

Evelyne retient son souffle, ne dit mot et se soumet. Nouvelle emprise.

Nouvel envol.

Le soir descend sur ces deux corps mêlés, rien ne dissocie une femme d’un chêne, même écorce même vie.

Chut ! Nuit noire.

Oubli.

Envol.

Secret.

De bonne heure vendredi, un homme seul chemine rue des Oliviers. Il est encore endormi. Il rêve de son lit douillet et regrette tout le boulot qu’il doit rédiger, régler, finir.

Il gonfle le torse, ferme les yeux et soupire.  Il s’ennuie près de ces gens qu’il côtoie tous les jours, il se sent usé. Il rouvre les yeux, se promet de tout envoyer loin, de recommencer bientôt… Il veut y croire. Il y croit. Ses pieds le portent. Inconsciemment.

Puis il stoppe net, se penche sur l’objet lumineux posé près du chêne, un objet perdu sûrement, et le prend. C’est une fine gourmette en or. Il déchiffre un prénom : Evelyne. Evelyne… C’est mignon… Un émoi exquis l’envahit. Il ne comprend plus ne contrôle plus mais il pose son ventre contre le gros chêne, glisse ses doigts sur l’écorce noueuse…

Il entend une mélodie délicieuse… Il plonge. Il ne respire plus. Il siffle. Il croit s’envoler dans le ciel.

Combien de temps dure ce moment ? Une éternité ? Une seconde ? Une vie ? Lorsqu’il revient sur Terre, l’homme se sent différent. Il revit. Libre.

Il se sent fort, indestructible, sûr de lui. Heureux. Enfin !

 

Depuis un mois, Hervé vient tous les jours rue des Oliviers. Il ne peut dire pourquoi il vient c’est tout. Tous les jours…

 

 

 

 

22 mars 2011

Paris

alors que le printemps arrivait dans nos contrées, il a fermé ses portes :En quatre jours, le salon du livre de Paris a accueilli 180 000 visiteurs. (DR)

l'édition 2010, avec 190.000 visiteurs sur six jours, avait vu la fréquentation chuter sensiblement par rapport à 2009, le Salon du Livre de Paris avait décidé de s’offrir un léger lifting.

ramenée à quatre jours, avec une nocturne le vendredi soir, l’édition 2011 espérait redresser la barre....

qu'en est-il alors que tout s'est terminé hier ?

qui y est allé ? et qui peut nous en dire deux mots ???

09 mars 2011

calligramme

c'est le nom d'une maison d'édition mais c'est surtout un poème dont la disposition graphique sur la page forme un dessin, généralement en rapport avec le sujet du tete, mais il arrive que la forme apporte un sens qui s'oppose au tete. cela permet d'allier l'imagination visuelle à celle portée par les mots.

il y a les célèbres calligrammes de Guillaume Apollinaire mais je serai ravie que vous m'en proposiez d'autres par des liens à visiter...

1855112649.jpg   

« Le pont Mirabeau »

Sous le pont Mirabeau coule la Seine

calligramme.gifEt nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine.

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure.

07 mars 2011

crack

sur le FB de Nina Bouraoui, une auteur à lire, j'ai "capturé" ceci : 

Bill Clegg est agent littéraire chez William Morris Endeavor Entertainment. Portrait d’un fumeur de crack en jeune homme est son premier livre. Il en écrit actuellement la suite.

« J’ôte mon pull et mon torse apparaît dans le petit miroir. Je ne vois que des côtes saillantes, des os, partout, sous une peau gris clair. Mes bras, ma poitrine et mon ventre sont tachetés de petites croûtes, éraflures et brûlures. Je suis, pour la première fois, au-delà de l’envie de baiser, comme si j’avais atteint un nouveau stade de défonce, où la baise n’a plus d’importance. J’en suis bien content, parce que je ne voudrais montrer ce corps à personne. Je regarde de plus près, sur mes mains et mes avant-bras, les plus grosses brûlures et coupures et je frissonne. Je regarde à nouveau dans le miroir et me rends compte que j’ai très peu de peau, comme si mon squelette était recouvert d’un drap infime tendu à l’extrême. J’ai l’air d’avoir échappé à un incendie et d’être à jeun depuis des jours. » Récit glaçant, quasiment dénué d’émotion, Portrait d’un fumeur de crack en jeune homme est l’histoire d’une déchéance, celle de l’auteur devenu dépendant de la drogue. La lente décrépitude du corps, la voix qui n’est plus qu’un souffle, les crises de paranoïa, les chutes et les rechutes, rien n’est ici laissé sous silence et l’on ne peut nier une certaine puissance dans l’art de ce troublant témoignage. Travaillant la lave tout aussi sordide qu’ardente de son sujet, Bill Clegg atteint une vérité qui ne tient pas seulement au réalisme, mais au souffle de générosité et à l’idéal de sacrifice dont tout son ouvrage est imprégné. La structure rigoureuse de l’œuvre coexiste avec la création d’un univers quasi-fantasmagorique, reflet de la confusion de son état physique et moral passé. Cette poursuite toujours vaine d’un bonheur inaccessible qui a fini par avoir raison de ses forces, la pagaille mentale, l’angoisse et le désarroi, tout cela est noté au fil de la plume avec ce qu’il faut de justesse, mais sans aucune lourdeur.

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