17 décembre 2013
haïku gagnant
1é haïkus proposés, waow, quelle emphase pour ces petites poésies japonaises !!
alors bravo à tous et surtout merci de votre participation, de votre belle humeur, du plaisir partagé !
donc le premier sur le podium c'est :
La nuit est chaude
Une femme nue à la porte,
Et vint le silence
Sensations douces amères
Insidieuse nostalgie
Sensations douces amères
Insidieuse nostalgie
Sortie sur des arpèges
Mariage en soie grège.
Hier n'existe pas,
La neige est attendue,
Le Père Noël trébuche
Prélude en sol givré
Avion horizon
Cocotier et sable blanc,
Goûte le fruit mûr
Une poupée rose
Quelques papillotes, bonheurs simples
Noël de mon enfance
Régressions sucrées
Douce culpabilité
06:52 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (3)
13 décembre 2013
Ikéa et les livres
ça a commencé comme ça... Ikéa et sa grande campagne anti-livres a fait réagir une libraire qui a détourné les affiches placardées partout..
et puis Sandawe, un éditeur de BD a réagi à son tour et c'est devenu une vraie polémique :
et il y a bien d'autres affiches... toutes aussi croustillantes...
21:33 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
11 décembre 2013
haïku et souvenir
on continue, puisque le ton est donné, avec les petits concours du mercredi...
je suis en pleine réflexion japonaise, ça ne change pas beaucoup, thématique qui rode dans mes écrits jeunesse, et en pleine préparation de mes ateliers d'écriture de haïkus, alors je vous propose de m'écrire un haïku sur le thème du souvenir...
un beau thème, ça, non, le souvenir ?
alors au boulot. vous avez jusqu'à lundi soir prochain.. ça vous laisse du temps.
résultats mardi matin, pour les trois plus chouettes...
09:02 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (19)
05 décembre 2013
pangramme
et puis, comme c'est bientôt Noël (ouais !!) je vous propose un "concours".. pour les fidèles j'entends déjà le murmure : y'avait longtemps....
oui, je confirme, il y avait longtemps que je n'avais été jury pour un podium d'honneur mais après tout, faut savoir se renouveler...
donc, je vous propose d'écrire un pangramme (ah, il y en a qui font moins les malins,là !!) qui n'est pas un pain d'un gramme, ni un programme de tuerie... mais qui consiste à écrire une phrase en utilisant toutes les lettres de l'alphabet..
évidemment, pour certains ce sera un jeu d'enfant (n'est-ce pas la frangine ou Cécilette ??) mais je suis sûre que ce sera très drôle...
alors, on essaie.. vous avez jusqu'à lundi soir, je donnerai les résultats des 3 plus mieux-bien mardi matin...
18:56 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (8)
02 décembre 2013
Des Hommes
Charles Berling prête sa voix à un texte magistral écrit par Laurent Mauvignier : Des Hommes. et c'était ce soir à Aix-en-Provence.
sobre, envoûtant et émouvant, Charles Berling s'est livré à un exercice difficile, une heure de lecture sans pause, sans répit, sans fausse note.
Des Hommes.
"U"n homme, détruit par les deux années qu'il a passées en Algérie pendant les évènements de 1960 à 1962, s'est tu pendant quarante ans. Un jour de fête villageoise, le passé et les souvenirs impossibles à oublier s'imposent violemment, de manière chaotique, à Bernard Rabut, Février, les autres, des hommes.Le roman de Laurent Mauvignier, tragédie en quatre actes, est un voyage au bout de l'enfer dont on sort plus humain, mais troublé à jamais.
22:16 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
19 novembre 2013
48 heures pour écrire...
j'ai participé ce weekend à ce défi d'écrire une nouvelle en 48 heures, sur un thème dévoilé au dernier moment. même en direct de Strasbourg, l'inspiration a été au rendez-vous et ma nouvelle est partie... à temps.
ce n'est pas avec ça que je recevrai un jour le Goncourt, soit, mais j'aime bien les défis.
je vous tiendrai informés si d'aventure je gagne un prix... et même si je perds, tiens, allez...
17:03 Publié dans littérature, un peu de moi | Lien permanent | Commentaires (4)
18 novembre 2013
adieu Doris...
elle avait eu le prix Nobel de littérature en 2007, elle était née Doris May Tayler, née en 1919 en Perse, elle avait quitté l'école à 13 ans et s'était mariée deux fois avant de décider que : "Le mariage n'est pas un état qui me convient."
elle avait été communiste dans sa jeunesse avant de décider de se retirer. Pas d'engagement politique pour elle.
dès son premier manuscrit édité, son talent est remarqué. et avec son roman "le carnet d'or", elle devient en 1962, un symbole du féminisme, livre qui n'a été traduit qu'en 1976, année où il reçut le prix Médicis.
bref, c'était une femme passionnante, combattive et espiègle, talentueuse et humble..
Doris Lessing est morte le 17 novembre, hier donc.
22:29 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
15 novembre 2013
poésie que j'aime
On aime d’abord par hasard
Par jeu, par curiosité
Pour avoir dans un regard
Lu des possibilités
Et puis comme au fond de soi-même
On s’aime beaucoup
Si quelqu’un vous aime, on l’aime
Par conformité de goût
On se rend grâce, on s’invite
À partager ses moindres mots
On prend l’habitude vite
D’échanger de petits mots
Quand on a longtemps dit les mêmes
On les redit sans y penser
Et alors, mon Dieu, on aime
Parce qu’on a commencé
Paul Géraldy. "Méditations"
17:55 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
13 novembre 2013
prix Médicis
on continue avec les prix littéraires..
le roman a été choisi au premier tour. huit finalistes étaient en lice.
hier, c'était aussi la révélation du prix Médicis qui a été remis à Marie Darrieussecq pour "Il faut beaucoup aimer les hommes" (aux éditions P.O.L.), qui est un roman brûlant sur la passion de deux amants, elle, blanche, consumée par l'attente de l'autre, lui, noir, habité par l'idée de tourner un film en Afrique.
le titre de ce treizième livre de Marie Darieussecq, Il faut beaucoup aimer les hommes, est d'ailleurs inspiré de la sublime et triviale amoureuse que fut Marguerite Duras : « Il faut beaucoup aimer les hommes. Beaucoup, beaucoup. Beaucoup les aimer pour les aimer. Sans cela ce n'est pas possible, on ne peut pas les supporter. »
08:50 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
12 novembre 2013
prix du quai des orfèvres 2014
"Depuis sa création en 1946 par Jacques Catineau, deux principes fondent la réputation du Prix du Quai des Orfèvres : la qualité et l’indépendance de ses jurés.
Sous l’autorité du directeur en exercice de la Police judiciaire, le Jury –au nombre de 22 !- réunit et mobilise de hauts magistrats, de grands policiers qualifiés, les anciens directeurs du « 36 », des avocats et des journalistes à la notoriété et à l’indépendance reconnues.
Dans les locaux encore habités par le personnage de Maigret, ces personnalités se prononcent sur une sélection de manuscrits anonymes. Ignorant l’identité comme la fonction des auteurs, leur choix ne considère que l’intérêt du texte soumis à leur appréciation, dans le respect des procédures et des vraisemblances policières, scientifiques ou judiciaires.
Dans le milieu de l’édition, cette singularité donne aux candidats toute garantie et toutes leurs chances, même s’ils ne font pas partie du sérail littéraire. La permanence de ces usages explique la confiance des lecteurs et le succès commercial de cette institution. L’ouvrage est publié par les éditions Fayard avec un tirage minimum de 50 000 exemplaires.
Des acteurs célèbres ont pris l’habitude de parrainer chaque millésime. Après Vincent Perez, Jean-Paul Belmondo, Alain Delon et Jean Réno, le Prix 2012 est remis en novembre 2011 par Patrick Bruel.
Ces gages de sérieux et de compétence n’oublient pas qu’un prix littéraire distingue d’abord un roman écrit pour le plaisir du lecteur. Cette fidélité et cette passion renvoient au Balzac d’Une ténébreuse affaire : « la Police, comme les jésuites, ont la vertu de ne jamais abandonner ni leurs ennemis ni leurs… amis »."
Le prix du Quai des Orfèvres 2014 sera remis aujourd'hui.
09:42 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (4)
08 novembre 2013
l'envol
"- Oui, répondit Jilano sans se formaliser de l'interruption. Et pas seulement parce que différencier l'amour de la passion ou d'une stupide attirance physique ou intellectuelle, est complexe. Une fois le choix d'aimer effectué, tout est en devenir. Tout reste à bâtir. Mon maître disait que l'amour est une voie au même titre que la voie des marchombres.
C'était la première fois que Jilano évoquait son maître. Ellana en oublia ses préoccupations pour boire les paroles du marchombre.
- Selon mon maître, leur plus grande similitude réside dans leur nature de voie. S'y engager n'a aucun sens si on n'est pas décidé à y progresser."
Le pacte des Marchombres. Ellana, l'envol.
07:52 Publié dans littérature, un peu de moi | Lien permanent | Commentaires (1)
04 novembre 2013
Goncourt : extrait
sur le site de France Inter, on peut télécharger un extrait du prix Goncourt 2013.
pour ceux que ça tente, je vous glisse en-dessous cet extrait :
Extrait: Au revoir là-haut,
par Pierre Lemaître
Paru aux éditions Albin Michel le 21 août 2013
Prix Goncourt 2013
"Novembre 1918
Ceux qui pensaient que cette guerre finirait bientôt étaient tous morts depuis longtemps. De la guerre, justement. Aussi, en octobre, Albert reçut-il avec pas mal de scepticisme les rumeurs annonçant un armistice. Il ne leur prêta pas plus de crédit qu'à la propagande du début qui soutenait, par exemple, que les balles boches étaient tellement molles qu'elles s'écrasaient comme des poires blettes sur les uniformes, faisant hurler de rire les régiments
français. En quatre ans, Albert en avait vu un paquet, des types morts de rire en recevant une balle allemande.
Il s'en rendait bien compte, son refus de croire à l'approche d'un armistice tenait surtout de la magie: plus on espère la paix, moins on donne de crédit aux nouvelles qui l'annoncent, manière de conjurer le mauvais sort. Sauf que, jour après jour, ces informations arrivèrent par vagues de plus en plus serrées et que, de partout, on se mit à répéter que la guerre allait vraiment prendre fin. On lut même des discours, c'était à peine croyable, sur la nécessité de démobiliser les soldats les plus vieux qui se traînaient sur le front depuis des années. Quand l'armistice devint enfin une perspective raisonnable, l'espoir d'en sortir vivant commença à tarauder les plus pessimistes. En conséquence de quoi, question offensive, plus personne ne fut très chaud. On disait que la 163e DI allait tenter de passer en force de l'autre côté de la Meuse. Quelques-uns parlaient encore d'en découdre avec l'ennemi, mais globalement, vu d'en bas, du côté d'Albert et de ses camarades, depuis la victoire des Alliés dans les Flandres, la libération de Lille, la déroute autrichienne et la capitulation des Turcs, on se sentait beaucoup moins frénétique que les officiers. La réussite de l'offensive italienne, les Anglais à Tournai, les Américains à Châtillon... on voyait qu'on tenait le bon bout. Le gros de l'unité
se mit à jouer la montre et on discerna une ligne de partage très nette entre ceux qui, comme Albert, auraient volontiers attendu la fin de la guerre, assis là tranquillement avec le barda, à fumer et à écrire des lettres, et ceux qui grillaient de profiter des derniers jours pour s'étriper encore un peu avec les Boches.
Cette ligne de démarcation correspondait exactement à celle qui séparait les officiers de tous les autres hommes. Rien de nouveau, se disait Albert. Les chefs veulent gagner le plus de terrain possible, histoire de se présenter en position de force à la table des négociations. Pour un peu, ils vous soutiendraient que conquérir trente mètres peut réellement changer l'issue du conflit et que mourir aujourd'hui est encore plus utile que mourir la veille.
C'est à cette catégorie qu'appartenait le lieutenant d'Aulnay-Pradelle. Tout le monde, en parlant de lui, laissait tomber le prénom, la particule, le "Aulnay", le tiret et disait simplement "Pradelle", on savait que ça le foutait en pétard. On jouait sur du velours parce qu'il mettait un point d'honneur à ne jamais le montrer. Réflexe de classe. Albert ne l'aimait pas. Peut-être parce qu'il était beau. Un type grand, mince, élégant, avec beaucoup de cheveux ondulés d'un brun profond, un nez droit, des lèvres fines admirablement dessinées. Et des
yeux d'un bleu foncé. Pour Albert, une vraie gueule d'empeigne. Avec ça, l'air toujours en colère. Un gars du genre impatient, qui n'avait pas de vitesse de croisière: il accélérait ou il freinait; entre les deux, rien. Il avançait avec une épaule en avant comme s'il voulait pousser les meubles, il arrivait sur vous à toute vitesse et il s'asseyait brusquement, c'était son rythme ordinaire. C'était même curieux, ce mélange: avec son allure aristocratique, il semblait à la fois terriblement civilisé et foncièrement brutal. Un peu à l'image de cette guerre. C'est peut-être pour cela qu'il s'y trouvait aussi bien. Avec ça, une de ces carrures, l'aviron, sans doute, le tennis.
Ce qu'Albert n'aimait pas non plus, c'étaient ses poils. Des poils noirs, partout, jusque sur les phalanges, avec des touffes qui sortaient du col juste en dessous de la pomme d'Adam. En temps de paix, il devait sûrement se raser plusieurs fois par jour pour ne pas avoir l'air louche. Il y avait certainement des femmes à qui ça faisait de l'effet, tous ces poils, ce côté mâle, farouche, viril, vaguement espagnol. Rien que Cécile... Enfin, même sans parler de Cécile, Albert ne pouvait pas le blairer, le lieutenant Pradelle. Et surtout, il s'en méfiait. Parce qu'il aimait charger. Monter à l'assaut, attaquer, conquérir lui plaisaient vraiment.
Depuis quelque temps, justement, il était encore moins fringant qu'à l'accoutumée. Visiblement, la perspective d'un armistice lui mettait le moral à zéro, le coupait dans son élan patriotique. L'idée de la fin de la guerre, le lieutenant Pradelle, ça le tuait.
Il montrait des impatiences inquiétantes. Le manque d'entrain de la troupe l'embêtait beaucoup. Quand il arpentait les boyaux et s'adressait aux hommes, il avait beau mettre dans ses propos tout l'enthousiasme dont il était capable, évoquer l'écrasement de l'ennemi auquel une dernière giclée donnerait le coup de grâce, il n'obtenait guère que des bougonnements assez flous, les types opinaient prudemment du bonnet en piquant du nez sur leurs godillots. Ce n'était pas seulement la crainte de mourir, c'était l'idée de mourir maintenant. Mourir le dernier, se disait Albert, c'est comme mourir le premier, rien de plus con.
Or c'est exactement ce qui allait se passer.
Alors que jusqu'ici, dans l'attente de l'armistice, on vivait des jours assez tranquilles, brusquement tout s'était emballé. Un ordre était tombé d'en haut, exigeant qu'on aille surveiller de plus près ce que faisaient les Boches. Il n'était pourtant pas nécessaire d'être général pour se rendre compte qu'ils faisaient comme les Français, qu'ils
attendaient la fin. Ça n'empêche, il fallait y aller voir. À partir de là, plus personne ne parvint à reconstituer exactement l'enchaînement des événements.
Pour remplir cette mission de reconnaissance, le lieutenant Pradelle choisit Louis Thérieux et Gaston Grisonnier, difficile de dire pourquoi, un jeune et un vieux, peut-être l'alliance de la vigueur et de l'expérience. En tout cas, des qualités inutiles parce que tous deux survécurent moins d'une demi-heure à leur désignation. Normalement, ils n'avaient pas à s'avancer très loin. Ils devaient longer une ligne nord-est, sur, quoi, deux cents mètres, donner quelques coups de cisaille, ramper ensuite jusqu'à la seconde rangée de barbelés, jeter un oeil et s'en revenir en disant que tout allait bien, vu qu'on était certain qu'il n'y avait rien à voir. Les deux soldats n'étaient d'ailleurs pas inquiets d'approcher ainsi de l'ennemi. Vu le statu quo des derniers jours, même s'ils les apercevaient, les Boches les laisseraient regarder et s'en retourner, ça serait comme une sorte de distraction. Sauf qu'au moment où ils avançaient, courbés le plus bas possible, les deux observateurs se firent tirer comme des lapins. Il y eut le bruit des balles, trois, puis un grand silence; pour l'ennemi, l'affaire était réglée. On essaya aussitôt de les voir, mais comme ils étaient partis côté nord, on ne repérait pas l'endroit où ils étaient tombés.
Autour d'Albert, tout le monde en eut le souffle coupé. Puis il y eut des cris. Salauds. Les Boches sont bien toujours pareils, quelle sale engeance! Des barbares, etc. En plus, un jeune et un vieux! Ça ne changeait rien, mais dans l'esprit de tous, les Boches ne s'étaient pas contentés de tuer deux soldats français, avec eux, ils avaient abattu deux emblèmes. Bref, une vraie fureur.
Dans les minutes qui suivirent, avec une promptitude dont on les savait à peine capables, depuis l'arrière, les artilleurs balancèrent des giclées de 75 sur les lignes allemandes, à se demander comment ils avaient été informés.
Après, l'engrenage.
Les Allemands répliquèrent. Côté français, il ne fallut pas longtemps pour rassembler tout le monde. On allait leur régler leur compte, à ces cons-là. C'était le 2 novembre 1918. On ne le savait pas encore, on était à moins de dix jours de la fin de la guerre.
Et attaquer le jour des Morts, en plus. On a beau ne pas trop s'attacher aux symboles...
Et nous voilà de nouveau harnachés, pensa Albert, prêts à escalader les échafauds (c'est comme ça qu'on appelait les échelles utilisées pour sortir de la tranchée, vous parlez d'une perspective) et à
foncer la tête la première vers les lignes ennemies. Tous les gars, en file indienne, tendus comme des arcs, peinaient à avaler leur salive. Albert était en troisième position, derrière Berry et le jeune Péricourt qui se retourna, comme pour vérifier que tout le monde était bien là. Leurs regards se croisèrent, Péricourt lui sourit, un sourire d'enfant qui s'apprête à faire une bonne blague. Albert tenta de sourire à son tour mais il n'y parvint pas. Péricourt revint à sa position. On attendait l'ordre d'attaquer, la fébrilité était presque palpable. Les soldats français, scandalisés par la conduite des Boches, étaient maintenant concentrés sur leur fureur. Au-dessus d'eux, les obus striaient le ciel dans les deux sens et secouaient la terre jusque dans les boyaux.
Albert regarda par-dessus l'épaule de Berry. Le lieutenant Pradelle, monté sur un petit avant-poste, scrutait les lignes ennemies à la jumelle. Albert reprit sa position dans la file. S'il n'y avait pas eu autant de bruit, il aurait pu réfléchir à ce qui le tracassait, mais les sifflements suraigus se succédaient, interrompus par des explosions qui vous faisaient trembler de la tête aux pieds. Allez vous concentrer, dans ces conditions-là.
Pour le moment, les gars sont dans l'attente de l'ordre d'attaquer. L'occasion n'est donc pas mauvaise pour observer Albert.
Albert Maillard. C'était un garçon mince, de tempérament légèrement lymphatique, discret. Il parlait peu, il s'entendait bien avec les chiffres. Avant la guerre, il était caissier dans une filiale de la Banque de l'Union parisienne. Le travail ne lui plaisait pas beaucoup, il y était resté à cause de sa mère. Mme Maillard n'avait qu'un fils et elle adorait les chefs. Alors bien sûr, Albert chef d'une banque, vous parlez, elle avait été immédiatement enthousiaste, convaincue qu'"avec son intelligence" il ne tarderait pas à se hisser au sommet. Ce goût exacerbé pour l'autorité lui venait de son père, adjoint au sous-chef de bureau au ministère des Postes, qui concevait la hiérarchie de son administration comme une métaphore de l'univers. Mme Maillard aimait tous les chefs, sans exception. Elle n'était pas regardante sur leur qualité ni sur leur provenance. Elle avait des photos de Clemenceau, de Maurras, de Poincaré, de Jaurès, de Joffre, de Briand... Depuis qu'elle avait perdu son mari qui commandait une escouade de surveillants en uniforme au musée du Louvre, les grands hommes lui procuraient des sensations inouïes. Albert n'était pas chaud pour la banque, mais il l'avait laissée dire, avec sa mère c'est encore ce qui marchait le mieux. Il avait quand même commencé à tirer ses plans. Il voulait partir, il avait des envies de Tonkin, assez vagues, il est vrai. En tout cas, quitter son emploi de
comptable, faire autre chose. Mais Albert n'était pas un type rapide, tout lui demandait du temps. Et très vite, il y avait eu Cécile, la passion tout de suite, les yeux de Cécile, la bouche de Cécile, le sourire de Cécile, et puis forcément, après, les seins de Cécile, le cul de Cécile, comment voulez-vous penser à autre chose.
Pour nous, aujourd'hui, Albert Maillard ne semble pas très grand, un mètre soixante-treize, mais pour son époque, c'était bien. Les filles l'avaient regardé autrefois. Cécile surtout. Enfin... Albert avait beaucoup regardé Cécile et, au bout d'un moment, à force d'être fixée comme ça, presque tout le temps, bien sûr, elle s'était aperçue qu'il existait et elle l'avait regardé à son tour. Il avait un visage attendrissant. Une balle lui avait éraflé la tempe droite pendant la Somme. Il avait eu très peur, mais en avait été quitte pour une cicatrice en forme de parenthèse qui lui tirait légèrement l'oeil de côté et qui lui donnait un genre. À sa permission suivante, Cécile, rêveuse et charmée, l'avait caressée du bout de l'index, ce qui n'avait pas arrangé son moral. Enfant, Albert avait un petit visage pâle, presque rond, avec des paupières lourdes qui lui donnaient un air de Pierrot triste. Mme Maillard se privait de manger pour lui donner de la viande rouge, persuadée qu'il était blanc parce qu'il manquait de sang. Albert avait eu beau lui expliquer mille fois que ça n'avait rien à
voir, sa mère n'était pas du genre à changer d'avis comme ça, elle trouvait toujours des exemples, des raisons, elle avait horreur d'avoir tort, même dans ses lettres elle revenait sur des choses qui remontaient à des années, c'était vraiment pénible. À se demander si ce n'était pas pour ça qu'Albert s'était engagé dès le début de la guerre. Quand elle l'avait appris, Mme Maillard avait poussé les hauts cris, mais c'était une femme tellement démonstrative qu'il était impossible de démêler chez elle ce qui relevait de la frayeur et du théâtre. Elle avait hurlé, s'était arraché les cheveux, et s'était vite ressaisie. Comme elle avait une conception assez classique de la guerre, elle avait été rapidement convaincue qu'Albert, "avec son intelligence", ne tarderait pas à briller, à monter en grade, elle le voyait partir à l'assaut, en première ligne. Dans son esprit, il effectuait une action héroïque, il devenait aussitôt officier, capitaine, commandant, ou davantage, général, ce sont des choses qu'on voit à la guerre. Albert avait laissé dire en préparant sa valise.
Avec Cécile, ce fut très différent. La guerre ne l'effrayait pas. D'abord, c'était un "devoir patriotique" (Albert fut surpris, il ne l'avait jamais entendue prononcer ces mots-là), ensuite, il n'y avait pas vraiment de raison d'avoir peur, c'était quasiment une formalité. Tout le monde le disait.
Albert, lui, avait un petit doute, mais Cécile était un peu comme Mme Maillard finalement, elle avait des idées assez fixes. A l'écouter, la guerre ne ferait pas long feu. Albert n'était pas loin de la croire; quoi qu'elle dise, Cécile, avec ces mains, avec cette bouche, avec tout ça, à Albert, elle pouvait lui dire n'importe quoi. On ne peut pas comprendre si on ne la connaît pas, pensait Albert. Pour nous, cette Cécile, ce serait une jolie fille, rien de plus. Pour lui, c'était tout autre chose. Chaque pore de sa peau, à Cécile, était constitué d'une molécule spéciale, son haleine avait un parfum spécial. Elle avait les yeux bleus, bon, à vous, ça ne vous dit rien, mais pour Albert, ces yeux-là, c'était un gouffre, un précipice. Tenez, prenez sa bouche et mettez-vous un instant à sa place, à notre Albert. De cette bouche, il avait reçu des baisers si chauds et tendres, qui lui soulevaient le ventre, à exploser, il avait senti sa salive couler en lui, il l'avait bue avec tant de passion, elle avait été capable de tels prodiges que Cécile n'était pas seulement Cécile. C'était... Alors, du coup, elle pouvait soutenir que la guerre, on n'en ferait qu'une bouchée, Albert avait tellement rêvé d'être une bouchée pour Cécile...
Aujourd'hui, évidemment, il jugeait les choses assez différemment. Il savait que la guerre n'était rien d'autre qu'une immense loterie à balles réelles
dans laquelle survivre quatre ans tenait fondamentalement du miracle.
Et finir enterré vivant à quelques encablures de la fin de la guerre, franchement, ce serait vraiment la cerise.
Pourtant, c'est exactement ce qui va arriver.
Enterré vivant, le petit Albert.
La faute à "pas de chance", dirait sa mère.
Le lieutenant Pradelle s'est retourné vers sa troupe, son regard s'est planté dans celui des premiers hommes qui, à sa droite et à sa gauche, le fixent comme s'il était le Messie. Il a hoché la tête et pris sa respiration.
Quelques minutes plus tard, légèrement voûté, Albert court dans un décor de fin du monde, noyé sous les obus et les balles sifflantes, en serrant son arme de toutes ses forces, le pas lourd, la tête rentrée dans les épaules. La terre est épaisse sous les godillots parce qu'il a beaucoup plu ces jours-ci. À ses côtés, des types hurlent comme des fous, pour s'enivrer, pour se donner du courage. D'autres, au contraire, avancent comme lui, concentrés, le ventre noué, la gorge sèche. Tous se ruent vers l'ennemi, armés d'une colère définitive, d'un désir de vengeance. En fait, c'est peut-être un
effet pervers de l'annonce d'un armistice. Ils en ont subi tant et tant que voir cette guerre se terminer comme ça, avec autant de copains morts et autant d'ennemis vivants, on a presque envie d'un massacre, d'en finir une fois pour toutes. On saignerait n'importe qui.
Même Albert, terrorisé par l'idée de mourir, étriperait le premier venu. Or, il y a eu pas mal d'obstacles; en courant, il a dû dériver sur la droite. Au début, il a suivi la ligne fixée par le lieutenant, mais avec les balles sifflantes, les obus, on zigzague, forcément. D'autant que Péricourt qui avançait juste devant lui vient de se faire faucher par une balle et s'est écroulé quasiment dans ses pattes, Albert n'a eu que le temps de sauter par-dessus. Il perd l'équilibre, court plusieurs mètres sur son élan et tombe sur le corps du vieux Grisonnier, dont la mort, inattendue, a donné le signal de départ à cette ultime hécatombe.
Malgré les balles qui sifflent tout autour de lui, en le voyant allongé là, Albert s'arrête tout net.
C'est sa capote qu'il reconnaît parce qu'il portait toujours ce truc à la boutonnière, rouge, ma "légion d'horreur", disait-il. Ce n'était pas un esprit fin, Grisonnier. Pas délicat, mais brave type, tout le monde l'aimait bien. C'est lui, pas de doute. Sa grosse tête s'est comme incrustée dans la boue et le
reste du corps a l'air d'être tombé tout en désordre. Juste à côté, il reconnaît le plus jeune, Louis Thérieux. Lui aussi est en partie recouvert de boue, recroquevillé, un peu dans la position du foetus. C'est touchant, mourir à cet âge-là, dans une attitude pareille...
Albert ne sait pas ce qui lui prend, une intuition, il attrape l'épaule du vieux et le pousse. Le mort bascule lourdement et se couche sur le ventre. Il lui faut quelques secondes pour réaliser, à Albert. Puis la vérité lui saute au visage: quand on avance vers l'ennemi, on ne meurt pas de deux balles dans le dos.
Il enjambe le cadavre et fait quelques pas, toujours baissé, on ne sait pas pourquoi, les balles vous attrapent aussi bien debout que courbé, mais c'est un réflexe d'offrir le moins de prise possible, comme si on faisait tout le temps la guerre dans la crainte du ciel. Le voici devant le corps du petit Louis. Il a serré ses poings près de sa bouche, comme ça, c'est fou ce qu'il a l'air jeune, quoi, vingt-deux ans. "
16:57 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (12)
Goncourt 2013
le suspense a été levé aujourd'hui à 12h45 chez Drouant.
quatre finalistes étaient en lice pour le prix littéraire français le plus convoité, consécration suprême et jackpot pour le lauréat et son éditeur, avec 400.000 ventes à la clé pour le roman barré du célèbre bandeau rouge.
sur la ligne de départ du Goncourt 2013, attribué par un jury présidé par Edmonde Charles-Roux, 93 ans, trois hommes et une femme : Pierre Lemaitre, avec "Au revoir là-haut" (Albin Michel), Jean-Philippe Toussaint avec "Nue" (Minuit), Karine Tuil avec "L'invention de nos vies" (Grasset) et Frédéric Verger, avec un premier roman, "Arden" (Gallimard).
parmi les grands favoris, le roman picaresque de Pierre Lemaitre, fiction haletante sur des démobilisés de la Grande Guerre abandonnés par la patrie ingrate qui montent une arnaque aussi spectaculaire qu'amorale a eu le prix Goncourt.
première incursion hors du polar de cet auteur de 62 ans, ce roman est le seul à avoir également captivé les jurés du Renaudot, du Femina et de l'Interallié.
après un Goncourt 2012 exigeant ("Le sermon sur la chute de Rome" de Jérôme Ferrari), la consécration de "Au revoir là-haut" de Pierre Lemaitre récompense un livre à la fois populaire et ambitieux qui figure dans les meilleures ventes. et Albin Michel, son heureux éditeur qui en a déjà tiré 100.000 exemplaires, n'avait pas décroché le Goncourt depuis 2003.
de son côté, Yann Moix remporte le prix Renaudot pour "Naissance"...
16:54 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
02 novembre 2013
SAS orphelin...
d'aucuns diraient qu'il y a littérature et littérature, que livre ne veut pas forcément dire ouvrage et qu'on ne peut mélanger torchons et serviettes.
soit.
moi je réponds que lire, c'est lire et que la liberté consiste justement à aimer ce qu'on lit, à lire ce qu'on aime sans écouter la bienséance culturelle et parfois imposante qui nous demande de se ressembler tous en bien pensants mondains...
Gérard de Villiers écrivait des romans d'espionnage où le vocabulaire n'était pas "soutenu" et où le héros Malko Linge emportait ses lecteurs dans des pays lointains, dans des aventures épicées.
il avait 83 ans et venait de publier son 200e SAS : "la vengeance du Kremlin"...
franchement, moi, je tire mon chapeau. on connait ce monde de l'édition (enfin moi oui) difficile et incertain. il avait réussi à fidéliser ses lecteurs et à se renouveler à chacun de ses titres, chacune des aventures de Malko et ce n'est pas si évident...
18:48 Publié dans lamiendo, littérature | Lien permanent | Commentaires (3)
10 octobre 2013
Nobel de littérature
elle a 82 ans, elle est canadienne, on dit d'elle qu'elle est la souveraine de l'art de la nouvelle contemporaine, elle sort bientôt son 14e recueil de nouvelles, et elle dormait dans sa chambre d'hôtel quand le téléphone a sonné pour l'avertir... Alice Munroe vient de décrocher le prix Nobel de littérature pour l'ensemble de ses nouvelles.
« Munro est appréciée pour son art subtil de la nouvelle, empreint d’un style clair et de réalisme psychologique», a indiqué l’Académie suédoise dans une biographie. «Ses histoires se déroulent généralement dans des petites villes, où le combat des gens pour une existence décente aboutit souvent à des problèmes relationnels et des conflits moraux - question qui est ancrée dans des différences de génération ou des projets de vie contradictoires», a-t-elle poursuivi.
22:05 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
20 septembre 2013
le "bug" de Tesson
Sylvain Tesson est un homme étonnant, charmant de surcroit (oui, bon !).
géographe, voyageur cycliste, aventurier, journaliste et novelliste de talent...
dans "une vie à coucher dehors", il a écrit une nouvelle "à tiroirs" où il raconte une insurrection internationale des femmes mal traitées, bafouées, humiliées par des hommes dominants, stupides et arrogeants. j'adore.
ça s'appelle ""bug".
son style et le contenu.
22:39 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
15 septembre 2013
labyrinthe
LABERINTO
No habrá nunca una puerta. Estás adentro
y el alcázar abarca el universo
y no tiene ni anverso ni reverso
ni externo muro ni secreto centro.
No esperes que el rigor de tu camino
que tercamente se bifurca en otro,
que tercamente se bifurca en otro,
tendrá fin. Es de hierro tu destino
como tu juez. No aguardes la embestida
del toro que es un hombre y cuya extraña
forma plural da horror a la maraña
de interminable piedra entretejida.
No existe. Nada esperes. Ni siquieraen el negro crepúsculo la fiera.
Jorge Luis Borges, Elogio de la sombra [1967-1969], in Obras Completas, Buenos Aires, Emecé, 1989, vol. II, pág. 364.
LABYRINTHE
Il n’y a pas de porte. Tu y es
Et le château embrasse l’univers
Il ne contient ni avers ni revers
Ni mur extérieur ni centre secret.
N’attends pas de la rigueur du chemin
Qui, obstiné, bifurque dans un autre,
Qu’il ait une fin. De fer est ton destin
Comme ton juge. N’attends pas l’assaut
Du taureau qui est homme et dont, plurielle,
L’étrange forme est l’horreur du réseau
D’interminable pierre qui s’emmêle.
Il n’existe pas. N’attends rien. Ni cette
Bête au noir crépuscule qui te guette.
Jorge Luis Borges, Éloge de l’ombre [1967-1969], in La Proximité de la mer, Une anthologie de 99 poèmes, Éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2010, page 85. Édité, préfacé et traduit de l’espagnol (Argentine) par Jacques Ancet.
21:26 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
11 septembre 2013
l'homme parapluie
David Sire a écrit un texte très poétique "l'homme parapluie" que Thomas Baas a illustré.
ce livre est une merveille.
alors, si vous êtes dans le coin, allez vous le faire dédicacer !
20:06 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
06 août 2013
coquelicot
à Céreste, il y avait Audrey Houlès qui dédicaçait son très bel ouvrage : "Gentile petit coquelicot" paru aux éditions Equinoxe et évidemment, je l'ai acheté...
il est magnifique !
"De son étymologie en passant par la botanique, les remèdes de nos grands-mères, les boissons et ses nombreuses utilisations culinaires, le coquelicot se dévoile au fil de ces pages, rassasiant notre curiosité et éveillant notre admiration.
Dictons, proverbes, inspirateur des peintres et des écrivains, le coquelicot se décline ici dans tous ses états.
Laissons-nous charmer par cette « gentille » fleur « et que nos coeurs chaque jour s'ouvrent à la fraîcheur et à l'éclat des coquelicots"
08:38 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (3)
08 juin 2013
les ombres de Ghadamès
hier à l'intitut culturel français de Vienne, Joëlle Stolz est venue nous parler de son livre "les ombres de Ghadamès".
entre lecture et explications, je me suis laissé embarquer par cette histoire des "deux ailleurs", un autre temps, une autre culture, où se mèle tradition, trangression et découvertes.
cette journaliste du Monde fait appel à ses émotions, ses souvenirs de différents pays qui ont marqué sa jeunesse pour nous en livrer une atmosphère poignante.
impossible de ne pas partager avec vous cette belle surprise...
08:45 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (4)