26 novembre 2009
épicerie : sous la treille
Violette sentait le froid qui s'engouffrait dans le col de son manteau. elle frissonna et remonta le col de lainage épais.
elle aperçut la devanture accueillante et se décida à pousser la porte.
tout était calme au dedans et elle apprécia la douce chaleur qui l'envahit immédiatement. elle se promena au milieu des rayonnages et lut les étiquettes qui s'offraient à son regard.
"idioties en bobines" ; "petits messages à tricoter" ; "palabres emmêlées"...
elle se dit qu'elle allait trouver ici ce qui allait la délivrer.
personne ne vint déranger sa recherche alors elle s'aventura au fond de la boutique. elle découvrit une porte vitrée entrouverte. des bruits s'en échappaient. des murmures.
elle s'approcha et assista à un spectacle qui retint toute son attention. sur une large terrasse surplombée d'une treille se tenait une femme attablée. elle n'était pas seule et sur la grande table en faïence s'étalaient des cahiers et des feuilles. elle vint plus près et écouta ce qu'il se disait.
- montre les quadrilatères que tu vois sur cette feuille...
elle distingua un petit être pelotonné sur les genoux de la femme.
elle toussa.
- hum... excusez-moi...
cela eut pour effet de faire sauter le petit être hors des genoux et Violette découvrit une petite boule de laine d'où s'échappait quatre membres frêles et pâles. une tête ronde en dépassait. Un large sourire fendit le visage et elle put constater que la bouche était édentée.
- je ne voulais pas vous déranger, s'excusa-t-elle...
- je vous en prie j'arrive répondit la femme d'une voix où elle devina des relents de tristesse.
Toutes deux se regardèrent avec affection sans bien comprendre pourquoi et la femme se leva frôlant une liane de la treille qui lui chatouilla les cheveux.
elle entre dans la boutique et pousse la porte vitrée.
- continue tout seul mon amour je vais revenir...
son corps ne la porte presque plus. elle s'accoude au comptoir et demande : alors, vous cherchez quelque chose de précis ?
- oui...
le silence qui suit a quelque chose de chaud de rassurant. leurs yeux parlent pour elles.
- je vous écoute.
- eh bien... je voudrais des mots magiques...
elle fait mine de ne pas comprendre.
- oui... enfin... des mots en kit pour une formule magique.
en un éclair un nom flotte dans sa tête : Evismoten.
elle se dit qu'elle n'a jamais pensé à ça. à se crocheter des mots magiques pour apaiser sa peine.
elle ne peut empêcher la douleur de lui vriller le ventre.
ne pleure pas. cette cliente est là pour une chose bien précise et ce n'est pas un hasard... pas aujourd'hui.
- d'accord. on va vous trouver ça. mais je n'ai pas l'habitude de ce genre de demande. ça va prendre un peu de temps il semble.
- j'ai tout mon temps.
L'épicerie des mots quel drôle d'endroit...
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25 novembre 2009
épicerie : cache-cache
"maman, cherche-moi... sais-tu où je suis ?"
elle sent son coeur se serrer. cette voix douce, encore enfantine, elle l'aime tellement.
elle bouscule les cartons : "filins de mots désolés" "chutes de colère étouffée" "pelotes de mots décorés" -tiens ça sent Noël, soupire-t-elle- elle fait du bruit de façon intentionnée.
elle crie avec une certaine mesure : "allons, montre-toi..." alors que son regard n'a pas quitté la boule de laine qui respire doucement sur le canapé.
elle avance à pas de loup, mimant tout de même une quête qui se poursuit.
et soudain, elle place ses bras en cercle et entoure la boule de laine qui sursaute.
- oh tu m'as trouvé !
- je t'ai fabriqué je t'ai aimé dorloté engraissé je ne vis que pour toi et tes sourires alors n'oublie jamais cela : je te trouverai toujours, où tu que sois...
une petite tête rougie par la chaleur du lieu qui la confinait apparait alors, édentée et rayonnante.
- tu m'entends ? où que tu sois je te trouverai toujours...
- tu crois ?
- non j'en suis certaine. tu es en moi. tu résonnes en moi.
elle s'arrête avant de poursuivre ses confidences. les larmes sont là encore encore encore.
et si il en était de même pour Evis ? si elle restait connectée à lui quoi qu'il arrive quoi qu'il se passe au dehors ? si au-dedans dans son âme dans son être il s'y trouvait pour toujours ?
la douleur au creux du ventre se fait sentir plus violemment que jamais et elle regrette ces moments de doutes. ces moments où elle sent que des vautours s'arrachent l'âme de son Evis. que des mains invisibles le manipulent pour le faire entrer dans des boîtes des caisses des bobines...
Evis ne la quittera jamais et même si le futur est un temps qu'elle récuse à utiliser désormais elle sait qu'elle n'a pas besoin de ces démonstrations publiques pour vivre avec lui en elle. pour vivre avec ce merveilleux amour qu'ils ont partagé. et dont personne ne peut deviner l'intensité. même les vautours aux yeux aussi acérés que leurs griffes...
elle embrasse tendrement la boule de laine et murmure : je t'aime.
elle sait qu'Evis l'a entendue.
- allez, il est l'heure d'ouvrir l'épicerie, on est en retard ce matin !
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24 novembre 2009
épicerie
le jour est déjà levé quand son réveil retentit. elle sursaute. elle ne dormait pas pourtant l'instant d'avant.
du moins il lui semblait.
que toute la nuit elle ne s'est pas endormie. qu'elle n'a pas pu. l'alcool partagé avec ses deux amis hier les larmes qui gonflent son coeur et débordent si souvent le manque le manque le manque. terrible.
elle a hurlé durant des heures qu'elle ne voulait pas vivre sans lui. elle l'a hurlé dans sa tête. parce qu'il y a les enfants les voisins les autres. tous les autres.
elle dormait pourtant et la sonnerie criarde la fait sursauter.
à la radio elle entend François Bayrou. elle l'a vu une fois. à Bordères. Bordères...
ça y est les larmes sont de nouveau là.
l'eau de la douche est froide. le cumulus doit avoir un problème pense-t-elle. elle s'en moque. eau froide eau chaude. rien n'a d'importance.
elle enfile un jean un pull noir et attrape les clés en appuyant sur la touche de la cafetière. il n'y a que ça qu'elle arrive à avaler le matin. un café bouillant. et pendant qu'elle entend le glouglou du café qui passe elle descend le long escalier étroit qui mène à la boutique.
elle dispose les derniers arrivages : "pelote de mots d'humeur" "mots d'amour en fils dorés" "mots satyriques en filoche" "poésie de mots à l'envers" "écheveau de mots en rire".
elle place les mots sur les étagères. recule d'un pas pose un regard circulaire sur sa boutique : "l'épicerie des mots" sera ouverte dans un quart d'heure. elle a juste le temps de boire son café de se mettre deux gouttes d'"Opium" derrière les oreilles (c'est Evis qui lui avait offert ce gel de parfum) de mettre un trait de crayons sous les yeux pour qu'on ne voit pas qu'ils ont pleuré toute la nuit et de moucher son nez.
elle soulevera bientôt le rideau de fer et laissera entrer les premiers clients.
elle préparera un thé "nuit à Mogador" et disposera quelques cookies que sa fille a confectionnés dans une assiette.
début de la journée.
une autre journée.
sans lui. sans Evis.
soyez bienvenus à l'épicerie des mots...
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23 novembre 2009
1000e
voilà arrivée la 1000e.
note.
pas note de musique. ni note d'évaluation.
note. à partager. des mots. tricotés entre vous et moi.
je veux rendre hommage aux comédiens que je suis allée voir encore une fois hier et qui donne vie à ce spectacle pour lequel j'ai participé à l'écriture : Picacubes (comme ça, si le papa de Lucas passe par là, je lui adresse mon salut...).
si vous voulez découvrir Laurent Kiefer qui joue le rôle de Picasso.
il y a également Brigitte Quittet, Charlotte Hamer, Laurence Chanot et la sublime Sofi Szoniecky. sans oublier les enfants : Lucas, Manon, Anna, Alexane, l'"alma" de ce spectacle...
je devais y aller hier avec mon homme d'amour. j'y suis allée seule. alors cette 1000e note est aussi pour lui.
encore.
09:26 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (4)
22 novembre 2009
lever du jour
"Je n'aime pas le matin, la lumière du jour qui revient. Schumann l'a compris, Robert, ce cher Robert dont les Chants de l'Aube étaient ceux de la folie, ceux de l'asile.
Atroce déception quotidienne que le réveil : avoir à délaisser le sommeil si riche en couleurs, en dimensions, en significations, pour la pâle pauvreté du réel, où l'on n'a d'autre choix que d'avancer, mettre bêtement un pied devant l'autre... Chaque matin la chute.
Chassés et l'Eden et condamnés à trainer notre corps, notre poids, notre nudité, notre douleur. Où me blottir ? Pourquoi se réveiller ? De quel droit me force-t-on ... ? Les coqs ont raison, qui hurlent en apercevant les premières lueurs de l'aube. Moi aussi, le lever du jour me donne envie de pousser des cris perçants. Se retrouver ici et maintenant, c'est un scandale."
Nancy Huston
"Prodige"
21:46 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
21 novembre 2009
pont
"Doors" d'Arman Stepanian
"un pont est montré
qui conduit le monde quotidien
des perceptions sensibles dans le temps
au royaume de la connaissance intemporelle"
Lama Amagarika Govinda
08:25 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (3)
19 novembre 2009
photos
le salon Paris Photo qui commence aujourd'hui permet d'apprécier la production photographique du monde entier. l'accent est mis cette année sur la photo arabe et iranienne.
Anahita Gabahian -qui tient une galerie de photos contemporaines à Téhéran- est photographe en Iran : quelles photos peut-elle prendre ?quelles images peut-elle exposer ?
"Past Continuous"
photo de Babak Kazemi
09:32 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (3)
...
je n'ai qu'un amour...
07:54 Publié dans c'est la vie | Lien permanent | Commentaires (1)
18 novembre 2009
vagues
"I shall walk on the moor. The great horses of the phantom riders will thunder behind me and stop suddenly. I shall see the swallow skim the grass. I shall throw myself on a bank by the river and watch the fish slip in and out among the reeds. The palms of my hands will be printed with pine-needles. I shall there unfold and take out whatever it is I have made here; something hard. For something has grown in me here, through the winters and summers, on staircases, in bedrooms. I do not want, as Jinny wants, to be admired. I do not want people, when I come in, to look up with admiration. I want to give, to be given, and solitude in which to unfold my possessions.”
"Je marcherai dans la lande. Les grands chevaux des cavaliers fantômes tonneront derrière moi et s’arrêteront soudain. Je verrai l’hirondelle raser l’herbe. Je me jetterai au bord de la rivière et je regarderai le poisson plonger et reparaître dans les roseaux. J’aurai les paumes des mains marquées par les aiguilles de pin. Je déferai, j’ôterai ce qui s’est formé ; la dureté d’ici. Car quelque chose a grandi en moi, au fil des hivers et des étés, sur les escaliers, dans les chambres. Je ne veux pas être admirée comme Jinny. Quand j’arrive, je ne veux pas que les gens lèvent les yeux avec admiration. Je veux donner, qu’on me donne, je veux la solitude, et découvrir ce que j’ai.”
Virginia Woolf - The Waves (Les Vagues) 1931
17:04 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
17 novembre 2009
jardinier
"De mémoire de rose
On n'a vu mourir un jardinier
Si rien qu'une pause ne peut vous suffire
Madame laissez
Le temps s'est tiré sans le maudire
Patientez
Laissez-vous glisser dans le vent léger
Patience, patientez..."
rose ou coquelicot, qu'importe...
15:17 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (1)
16 novembre 2009
mots
j'ai déjà entendu cette phrase : "la douleur me vrille le ventre" lorsqu'on parle du poids de l'absent, du manque, de la peine.
image concrète d'une souffrance impalpable que l'on devine plus émotionnelle que physique.
je découvre aujourd'hui combien cette phrase est vraie.
il y a en moi ce cratère qui se creuse, juste là au creux de mon ventre, qui me donne la sensation que l'ensemble de mes boyaux est en poignante révolution. au point que je n'ai qu'une envie : me plier en deux pour soulager cette douleur.
"la douleur me vrille le ventre" parce que tu n'es plus là, parce que tout allait être, parce que je te vois la nuit, le jour, je t'entends, je te sens et que lorsque mon esprit veut bien redevenir lucide, je sais, je sais, je sais que ce ne sont que des chimères.
quel processus biologique, physiologique transforme-t-il une souffrance d'amour en un tournicoton ventral ?
tu questionnais : pourquoi écrit-on ?
je sens que mes réponses vont s'enrichir prochainement. parce que mes mots restent la seule passerelle pour venir vers toi...
09:51 Publié dans un peu de moi | Lien permanent | Commentaires (1)
15 novembre 2009
soit...
photo C.L.
19:51 Publié dans un peu de moi | Lien permanent | Commentaires (3)
espoir
(...) je rêve de ton corps. je rêve de ta bouche. je te veux près de moi. Je veux que tu me touches. je rêve de ta peau et de tes mains. Je ne pense qu'à toi. Je bosse plus. je fous rien.
(...)
je suis à toi. je te veux. je pense à nous. tu es mon homme. tu es mon idéal. je te désire. tout le temps. partout. tu es mon grand projet et je te suivrai n'importe où.
(...)
Benjamin Biolay
"Brandt rhapsodie"
17:16 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
au revoir
mon amour, au revoir
mon amour, à bientôt...
10:26 Publié dans c'est la vie | Lien permanent | Commentaires (0)
14 novembre 2009
pour toi...
(...)
Well I've got God on my side
And I'm just trying to survive
What if what you do to survive
Kills the things you love
Fear's a dangerous thing
It can turn your heart black you can trust
It'll take your God filled soul
Fill it with devils and dust
Yeah it'll take your God filled soul
Fill it with devils and dust
(...)
Bruce Springsteen
"Devils & Dust"
14:07 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
blanc et noir
je n'ai rien dit ce jour-là. je suis restée sans voix. j'avais quitté ce monde en même temps que toi. pourtant je suis restée. assise dans ton boudoir, je les entends dans ton salon. ils sont nombreux, tout habillés de noir. c'est noir un corbeau. enfant, je les voulais blancs. je les coloriais. je noircissais autour et laissais une tache blanche. je te disais : "tu vois, c'est blanc." tu souriais.
ce jour-là, déjà, tu manquais à ma page. sur la table de travail, une boîte de crayons ouverte. j'ai voulu dessiner ta mort. dans la boîte, pas de noir. la mort est blanche. j'ai pleuré de les entendre rire. de les savoir assis dans tes fauteuils. vautrés parmi les objets qui font ta vie. je sens en moi la peur. pas la même que la tienne...
Hyam Yared
"Sous la tonnelle"
14:05 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (2)
13 novembre 2009
Karibencyla
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09:29 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
12 novembre 2009
vent
Les hommes sont comme les nuages. ils sont chassés en avant par un vent mystérieux et invisible face auquel ils sont impuissants. Ils croient maîtriser leur route et se moquent de la faiblesse des nuages mais leur vent à eux est mille fois plus fort que celui qui souffle là-haut.
(...)
- J'aime pas qu'on me pousse en cachette.
Le pacte des Marchombres
Ellana
10:03 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
11 novembre 2009
tu es parti
Puisqu'il n'est pas de montagne
Au-delà des vents plus haute que les marches de l'oubli
Puisqu'il faut apprendre
A défaut de le comprendre
A rêver nos désirs et vivre des "ainsi-soit-il"
Et puisque tu penses
Comme une intime évidence
Que parfois même tout donner n'est pas forcément suffire
Puisque c'est ailleurs
Qu'ira mieux battre ton cœur
Et puisque nous t'aimons trop pour te retenir
Puisque tu pars
Que les vents te mènent
Où d'autres âmes plus belles
Sauront t'aimer mieux que nous puisque l'on ne peut t'aimer plus
Que la vie t'apprenne
Mais que tu restes le même
Si tu te trahissais nous t'aurions tout à fait perdu
Garde cette chance
Que nous t'envions en silence
Cette force de penser que le plus beau reste à venir
Et loin de nos villes
Comme octobre l'est d'avril
Sache qu'ici reste de toi comme une empreinte indélébile
Sans drame, sans larme
Pauvres et dérisoires armes
Parce qu'il est des douleurs qui ne pleurent qu'à l'intérieur
Puisque ta maison
Aujourd'hui c'est l'horizon
Dans ton exil essaie d'apprendre à revenir
Mais pas trop tard
Dans ton histoire
Garde en mémoire
Notre au revoir
Puisque tu pars
Dans ton histoire
Garde en mémoire
Notre au revoir
Puisque tu pars
J'aurai pu fermer, oublier toutes ces portes
Tout quitter sur un simple geste mais tu ne l'as pas fait
J'aurai pu donner tant d'amour et tant de force
Mais tout ce que je pouvais ça n'était pas encore assez
Pas assez, pas assez, pas assez
Dans ton histoire (dans ton histoire)
Garde en mémoire (garde en mémoire)
Notre au revoir (notre au revoir)
Puisque tu pars (puisque tu pars)
15:18 Publié dans c'est la vie | Lien permanent | Commentaires (0)
09 novembre 2009
Pierre...
Doucement (son) prénom se posa sur ses paupières closes, se glissa le long de sa respiration régulière, se coula dans son coeur, son âme et chacune des cellules de son corps.
Il devint elle.
Elle devient lui.
Le pacte des Marchombres
Ellana.
17:44 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (8)